Egypt

Follow the nile
Deep to much deeper.
The pyramids sound lonely tonight.

The sands run red
In lands of the pharoahs.
Their symmetry gets right inside me.
_________________________________________________________________________Kate Bush

Olivia n’avait plus qu’une envie quitter le Royal Majestic au moins pendant quelques heures. Elle en avait marre d’être enfermée sur un bateau avec des gens qu’elle n’appréciait pas forcément. Et maintenant que le paquebot faisait en escale elle n’avait plus qu’à descendre et partir. Elle prit un sac et s’habilla d’un t-shirt et d’un short. Elle enfila une paire de tongues et quitta rapidement sa chambre. Elle descendit du bateau et partit sans même savoir où elle se dirigeait. Elle contempla la ville d’Alexandrie admirative, émerveillé. Olivia arriva devant une porte céleste, ornée d’arabesques et elle découvrit derrière le majestueux portail un jardin foisonnant de délices. Les fleurs aux couleurs flamboyantes pavanaient leurs délicates corolles sous le soleil cuisant d’Egypte. Ces gourmandises embaumaient l’air de leur odeur sucrée, capiteuse. Leurs pétales s’exhibaient, se rendant désirables. Les sycomores montraient fièrement leurs feuillages touffus qui ombrageaient les parterres de bourgeons, tandis que les palmiers de leurs branches délicates, touchaient les cieux. La jeune femme avançait dans les allées bordées : d’acacias dévoilant de sublimes fleurs blanches, de tamaris arborant de délicats boutons d’ors, de grenadiers et de figuiers majestueux qui affichaient leurs fruits juteux, gorgés de soleil. Les dattiers, eux, laissaient leurs fragrances mielleuses envoûter les passants. Olivia mordit doucement ses lèvres gourmandes et ferma quelques instants ses yeux en amande qui désiraient cueillir les baies charnues, qui doraient lentement sous l’astre lumineux. Pourtant elle continua son chemin, se promenant bercée par les senteurs des sucreries. Des bassins d’eaux étaient clairsemés dans les massifs enivrants. Le liquide miroitait l’éclat du soleil et les nénuphars ondulaient sur le fluide cristallin. Olivia arriva devant un palais nacré et majestueux, embelli par des cariatides, qui sortait directement des contes des «Milles et Une nuit». Les plantes grimpantes s’enroulaient autour des colonnes, recouvrant intégralement la pierre. Les vignes tapissaient les pergolas et des statues surplombaient des piliers. Mais le plus spectaculaire était le lac au centre du jardin où les papyrus et les lotus égayaient le paysage serein. Olivia observa son reflet dans l’eau claire. Son regard se noya dans la profondeur de la vasque. La jeune femme avait une longue chevelure qui tel une dune de sable brillait d’une belle couleur dorée. Ses yeux bleus seuls sources d’eau du désert refusaient de disparaître sous des nuages obscurcis. Olivia revint peu à peu à la réalité, immergeant de son rêve. Les parterres luxuriants, étalaient toujours leurs friandises, réveillant ainsi son appétit. Les délicieux jujubiers, les plantes raffinées, les cascades exquises et les savoureuses brindilles se rendaient alléchantes aux yeux de la demoiselles. Seulement, une fleur particulière attira son attention. Ses pétales d’un rouge velours la captivaient mais le rappel du sang la crispa. Elle tourna le dos et partit avec empressement. Soudain, elle sentit le collier qu’elle portait autour du cou se détacher et tomber sur le sol. Son coeur s’arrêta de battre pendant plusieurs secondes. Le bijoux était un cadeau de son père qu’il lui avait offert avant sa mort. Un flot de souvenirs douloureux la submergea. Le petit médaillon c’était ouvert laissant découvrir la photo de son père et les larmes lui vinrent immédiatement. Elle leva la tête vers le ciel essayant d’oublier des images, des paroles, des actions qui la hantaient depuis toujours. Sa douleur se calma et les larmes qui n’avaient pas roulées sur ses joues se cachèrent au plus profond d’elle. Elle expira et baissa la tête pour ramasser l’objet mais découvrit une jeune femme qui lui tendait le médaillon fermé. Elle l’accepta et le rangea dans sa poche. Puis d’une voix froide la remercia. Elle était toujours comme cela envers les inconnus lorsqu’elle était triste. Elle ne voulait pas qu’une personne la voit en pleure dans le jardin. Elle en avait marre d’être poursuivi par des souvenirs qui la faisait souffrir. Qui la faisait pleurer. Qui l’anéantissait. Elle fixa la jeune femme assise dans l’herbe. Des oiseaux gazouillaient et le bruit de l’eau était reposant. Olivia voyait même l’océan Atlantique de là où elle se trouvait mais n’y prêta aucune attention. Elle fixait la jeune femme avec attention. Elle était grande et mince. Ses cheveux et ses yeux étaient d’une belle couleur brune. Son visage avait l’air serein et épanouit. C'est cette fois-ci dans ses yeux qu'elle se perdit une seconde fois.

La demoiselle qui se trouvait en face d’Olivia afficha un sourire. Un sourire simple, naturel, ravissant, un sourire épanoui, éclatant presque troublant, un sourire agréable, charmant, attachant. Un sourire qui aurait pu illuminer n’importe quelle vie sombre. Mais un sourire qui ne pouvait faire oublier le passé d’Olivia. Ce passé douloureux qui la hantait depuis toujours et qui ne la quittait jamais. Son mal revint, tel un coup de poignard. Son visage devint blême et elle crut que son corps s’affalerait sur le sol. Sa respiration était lente et pourtant son coeur battait rapidement. Elle se calma et reprit peu à peu ses esprits. La brunette qui se trouvait en face d’elle, déclara :

- Tu vas bien ?

Olivia rassembla ses forces pour répondre. La douleur était toujours présente mais elle gardait ça pour elle comme de nombreuse choses.

- Hum... Pas vraiment. Ça vient certainement de la chaleur ou de l’air un peu trop étouffant. Je ne me suis même pas présentée, je m’appelle Olivia.

Elle sourit. Mais c’était un sourire sans joie, sans éclats. Un sourire triste, un sourire qui était là seulement par politesse. Elle quitta des yeux la jeune femme et contempla le jardin. Il semblait différent, toute la magie avait disparu laissant un parc terne. Les végétaux paraissaient souffrants. Les tiges des fleurs pliaient sous le poids trop lourd du soleil, les feuilles des arbustes jaunissaient comme malades. Le charme du jardin c’était enfui. Olivia fronça les sourcils, elle ne comprenait pas vraiment ce qui lui arrivait et avait beaucoup de difficultés à garder son sang-froid. Elle aurait aimé partir de cet endroit, retourner sur le Royal Majestic mais elle ne voulait laisser la brunette seule, maintenant qu’elle avait lancé la discussion. Le paquebot était beaucoup plus rassurant que le jardin. Là-bas elle était quelqu’un ce qui n’était pas le cas ici. Olivia perdait pied, se noyant dans sa folie, elle ne comprenait même plus ces propres réflexions. Elle s’imaginait seule dans un océan ténébreux tandis que le bateau partait, elle se voyait essayant de le rattraper mais cela était impossible, et elle le savait. Elle coula... Olivia revint à la réalité très mal à l’aise et son visage était de nouveau blême. Ses jambes avaient beaucoup de mal à la soutenir et elle s’assit à côté de la brunette.

- Et toi, tu t’appelles comment ? Le jardin est beau n’est-ce pas ?

Olivia se demandait pourquoi elle parlait de ça. Elle trouvait le parc sombre et tout ce qu’elle trouvait à dire c’était: il est très beau n’est ce pas ? Franchement elle avait honte d’elle même. Elle ne se comprenait plus, heureusement pour elle ces hallucinations l’avaient quitté mais elle savait qu’à tout moment il pouvait ressurgir. Elle préférait ne pas imaginer ce que cela pouvait donner si cela se passait. Peut-être qu’elle ferait le tour du jardin sautillant après un papillon, au côté de son soi-disant père ou même se retrouverait elle à quatre pattes à miauler comme un chat. Elle se retrouverait très vite dans un asile, séparé des dernières personnes qu’elle aimait. Elle frissonna et oublia rapidement cette pensée. Elle savait maintenant ce que l’avenir pouvait lui offrir. Elle n’avait plus qu’une chose à faire garder son secret...