L’odeur suave des lilas emplissait le petit café. La brise légère berçait délicatement les frêles boutons mauves et emportait dans sa danse leur doux parfum qui pénétrait par la porte restée ouverte. Assise, les mains autour d’une tasse de chocolat chaud fumant, Jules Summer Carter apercevait tout juste de la fenêtre, la splendeur d’un hortensia qui ployait sous les fleurs blanches, incapable de porter le poids d’une beauté aussi éclatante. La blondinette trempa ses lèvres dans la boisson brûlante. Le liquide sucrée la réchauffa immédiatement et ses pommettes reprirent une jolie couleur rosée. Son regard parcourra la pièce silencieuse, s’attardant sur les quelques personnes présentes. À cet instant même, un jeune homme qui était assis à une table tout près de la sienne, se leva et quitta le petit café, fermant derrière lui la porte. Elle regarda par la fenêtre la silhouette longiligne partir au loin puis disparaître. Elle arrivait encore à distinguer à l’horizon le port et le Royal Majestic qui y était amarré.

Ce bateau l’a faisait autant rêver que la première fois qu’elle l’avait découvert; quelques mois auparavant, dans un petit magazine. L’image s’était rapidement retrouvée sur un des murs de sa chambre et elle avait imaginé dès les premiers instants enchaîner quelques mouvements sous l’oeil critique de Cathlyn. Mais la réalité l’avait très vite rattrapée et elle y était retombée douloureusement s’obligeant à faire une croix sur cette utopie. Déjà que sa famille n’avait pas les moyens de l’inscrire dans un cours de danse dans une salle qui était en ruine avec un professeur qui n’en était pas un alors comment pouvait-elle espérer ne serait-ce qu’une seconde être sur le Royal Majestic ? Cependant, elle y pensait souvent, revenant sur terre toujours plus difficilement. Pourtant, à l’heure d’aujourd’hui, elle avait bel et bien une chambre sur le bateau et était en possession d’un des fameux tickets qui valait une petite fortune. Ses parents avaient investi toutes leurs économies dans ce petit bout de papier pour que leur fille soit heureuse, pour qu’elle puisse avoir l’espoir de réaliser un jour son rêve; devenir une danseuse étoile. Il était devenu son unique but, son seul objectif. Elle y pensait jour et nuit, ne s’autorisait aucun faux pas, participait à tous les entraînements. Elle le faisait pour elle mais surtout pour sa famille et ne voulait en aucun cas les décevoir. Elle devait réussir pour eux ! Des pas résonnèrent dans le petit café et Jules quitta ses pensées. Un serveur s’approchait d’elle après qu’il ait remarqué que la demoiselle la fixait depuis déjà quelques minutes sans qu’elle ne sans aperçoive.

- Mademoiselle, désiriez-vous autre chose, lui demanda-t-il, affichant un joli sourire ravageur.

- Ah... euh... nan, merci. Juste l’addition s’il vous plaît ?

Le jeune homme s’en alla tout penaud. Il venait d’accélérer le départ de sa cliente involontairement. Il lui rapporta le petit papier blanc barbouillé d’encre noir. Jules paya, vidant son porte-monnaie puis quitta le petit café avec un bagage. À peine sortit, elle sentit l’air frais glisser sur son visage. La demoiselle atterrit sur une petite place joliment fleurit. Elle était vide, seuls des oiseaux gazouillaient sur les bords d’une fontaine et sifflotaient. Jules parcouru plusieurs rues pavés avant d’arriver devant un mini-car, lieu du rendez-vous. Jules s’assit sur un petit muret et patienta calmement la venue des autres participants. Cela avait débuté une semaine auparavant, quand elle se trouvait encore à la bibliothèque. Elle rangeait les livres et vérifiait leur état. Quelque fois il lui arrivait de s'énerver fortement contre les emprunteurs qui ne prenait pas soin des livres. Il lui arrivait de voir des tâches sur pratiquement toutes les pages bien entendue cornée, ce qui l’a mettait dans tous ses états. Mais ce jour-là tout se passa bien, certaines personnes commençaient à comprendre ce qu’il fallait faire ou plutôt ce qu’il ne fallait pas. Arrivé au dernier elle remarqua qu’un dépliant dépassait du livre. Il s’agissait d’une publicité pour passer la nuit dans le manoir de Bantry. Jules avait alors afficher un sourire en lisant les quelques lignes qui décrivait le bâtiment comme «terrifiant». Elle avait étudié cette bâtisse et connaissait pratiquement toute son histoire. Elle n’avait donc qu’une envie aller voir le manoir d’un peu plus près. Cela lui permettrait certainement d’en savoir davantage dessus et surtout de poser toutes les questions qu’elle voudrait aux deux propriétaires. La dernière ligne «offert par la compagnie» ne l’aida que plus facilement à prendre sa décision. Elle était prête à passer une journée dans ce magnifique manoir. Jules qui était toujours assise sur le muret vit les premières personnes arriver.


Un petit crie de joie se fit même entendre lorsqu’elle vit Kathalina, sa blondinette préférée. Elle fit ensuite la connaissance des deux propriétaires. Elle rangea son bagage dans le coffre tandis que les autres participants arrivèrent. D’abord Anathéa, une demoiselle qu’elle ne connaissait pas vraiment mais qu’elle avait déjà croisé dans les couloirs et qu’elle avait déjà entendu chanter. Une voix extraordinaire qui lui avait même donné des frissons dans le dos. Suivit de Freja. La demoiselle, lui jeta immédiatement un regard amical mais qui en disait bien plus, elle en était persuadée. Et là, le pire arriva, elle était suivit d’Alaska. Elle crut qu’elle allait mourir sur place, elle n’avait plus qu’une envie détaler, partir le plus loin possible de cette folle. Mais trop tard, elle l’avait vue et elle lui fit même un sourire. Jules se pressa de monter dans le petit car et s’installa près de la fenêtre. Elle fit signe à Kathalina de s’installer à côté d’elle et préféra faire comme si les autres jeunes filles n’étaient pas là. Elle poserait ses questions aux propriétaires plus tard, tant pis cela pouvait attendre. Elle débuta une discussion avec sa voisine mais le voyage fut tellement long qu’elles s'endormirent. Jules eut seulement le temps d’apercevoir un petit bout du paysage de l'Irlande, de l’île d’Emeraude. Des prairies s’étendaient à pertes de vue et déployait leurs jolies couleurs. Au loin, on distinguait à peine, de temps à autres, les formes des belles demoiselles, des grandes dames. Ces montagnes portaient une multitude de teintes. Elle avait l’impression de traverser un tableau fait de pastels. Le véhicule tanguait dangereusement sur les routes sinueuses bordées d’une nature verdoyante ou au contraire rougeoyante, due aux tourbières. Quand elle se réveilla, le petit car n’était toujours pas arrivé à destination. Jules qui trouvait son fauteuil vraiment inconfortable, chercha désespérément une position plus agréable, en vain. Elle posa sa tête contre la vitre, découragée et profita du paysage. La nature sauvage s’offrait à ses yeux et laissait ses dégradés époustouflés la demoiselle. Le ciel bas et lourd tirait ses jolies couleurs sombres pour le plus grand plaisir de Jules.


Une heure plus tard elle arriva devant l’antre du manoir. La bâtisse était de l’époque Victorienne, cela se voyait à son architecture, à ses toits pointus. On les voyait souvent apparaître dans les films d’horreur, il lui semblait même que ce bâtiment en particulier avait déjà été utilisé dans plusieurs films. La voiture se stoppa devant l’habitat qui lui donna un frisson dans le dos. Le ciel gris donnait vraiment une allure étrange au manoir. Il fallait bien avouer qu’il lui faisait même un peu peur. Jules se précipita de sortir du petit car. Elle voulait à tout prit se dégourdir les jambes. Cela faisait des heures et des heures qu’elle était restée assise à ne pas bouger, chose qu’elle n’avait vraiment pas l’habitude de faire. Ses journées étaient habituellement animées pas ses cours de danse et par les critiques de Cathlyn mais celle-ci lui avait donné exceptionnellement un jour de repos. Jules prit son sac où elle avait fait en sorte de mettre le moins de choses possibles mais en prenant soin de ne pas enlever ses affaires «vitales».


Elle suivit ensuite le couple qui fit la visite guidée aux jeunes demoiselles. Jules laissa son sac dans une des chambres, elle espérait que Kathalina la partagerait avec elle ou bien Anathéa. Elle ne voulait en tout cas, en aucun cas, que Freja ou Alaska dorme dans la même pièce qu’elle. Elle aurait bien trop peur de ce qui pourrait se passer. La visite se poursuivit et les demoiselles parcoururent de longs corridors tous plus sombres les uns que les autres. La lumière du jour entrait à peine dans le bâtiment et les nuages orageux n’annonçaient rien de bon. Ils arrivèrent enfin dans un salle qui lui donna froid dans le dos. Le vieux couple laissa les jeunes filles ensemble. Il n’y avait là pas un bruit, juste celui du silence. Un silence pesant qui fut vite brisée par les paroles d’Anathéa puis d’Alaska:

«Heu... Je crois qu'on devrait faire connaissance, vu qu'on doit passer la nuit toutes ensemble... Moi, c'est Anathéa, mais vous pouvez m'appeler Théa.»

« Enchantée, j'suis Alaska. C'est superbe comme prénom, Anathéa. »

Un éclair coupa la discussion. L'électricité sauta. Les jeunes filles se retrouvèrent dans l’obscurité. Seules quelques bougies permettait encore à Jules de distinguer ses interlocutrices.

« euh... Moi c’est Jules. »

Après quelques minutes de silence, Alaska déclara:

« On.. Devrait peut-être aller voir. Anathéa, Jules, vous venez ?»

C’était peut-être une mauvaise idée de partir avec elle mais elle n’avait vraiment pas envie de rester ici. Elle avait déjà bien assez peur comme ça. Elle acquiesça de la tête à la proposition d'Alaska puis la suivit. Jules restait derrière elle tandis qu'elle criait :

« IL Y A QUELQU'UN ? HEY ? LES VIEUX ? »

Jules marchait prudemment. Chaque bruit la faisait sursauter. Elle avait à présent terriblement peur, elle en tremblait même. On entendait des grincements de portes et le parquet craquer à chacun de ses pas. Elle sentait son coeur au bout de la crise cardiaque. Soudain, elle sentit une main se poser sur son épaule. Un cri strident se fit entendre, la peur au ventre elle partit en courant, dévalant les escaliers à toute vitesse sans se retourner. Elle entendit des rires, peu importe si elle s’était fait avoir par une de ces blagues pas drôles que certaines personnes pouvaient faire. De toute manière elle se sentait mieux seule qu’avec la bande de folles qu’elle venait de quitter. Elle avança dans les couloirs, poursuivant ses recherches quand elle entendit un bruit suspect. Elle rentra dans une salle et s’enferma. L’électricité revint et Jules vit devant elle Freja ! Elle mima un baiser avec ses lèvres, Jules prise de panique quitta la pièce et s’enfonça dans l’obscurité....