Eilys & Killian

Anniversaire de la mort de maman ... Appelle-moi ... Tu me manques ... Je suis ta soeur quand même ... C'était maman, moi aussi je souffre Killian ... Donne-moi des nouvelles...

Tous ces mots résonnaient dans la tête de Killian comme une vieille rengaine, une vieille chanson que l'on n'aime pas spécialement, mais que l'on connait forcément. C'était exactement ce qu'il ressentait pour ce message qu'il venait d'entendre, message de sa petite sœur. Il n'en pouvait plus, c'était encore et encore la même chose. Son père et sa sœur lui laissaient des messages, plus poignants les uns que les autres, plus ennuyants aussi. Parce qu'il ne supportait plus de ne pas pouvoir vivre sa vie comme il l'entendait, sans craindre d'être appelé à n'importe quel moment par sa famille.
Mais aujourd'hui c'était spécial, aujourd'hui il comprenait, aujourd'hui il avait presque eu envie de décrocher le téléphone, d'entendre la voix cristalline de sa petite sœur, de lui demander comment elle allait aujourd'hui, comment elle vivait ce jour. "Anniversaire"... Pourquoi appeler "anniversaire" un jour si triste, si noir pour toute une famille, pour une bande d'amis, pour les gens à qui l'on tient. Un jour comme celui-ci ne devait pas être nommé de la sorte, parce qu'il n'avait rien de festif. Un anniversaire était un jour de joie, au cours duquel on fêtait la naissance de quelqu'un. Ici, c'était la mort qui était célébrée, la mort d'une mère, la mort d'une épouse, la mort d'une femme droite et honnête, aimante et joyeuse.
Jamais Killian n'avait compris cette dénomination. Jamais.

Aujourd'hui n'était pas un jour comme les autres, pas comme les trois cents soixante-quatre autres jours de l'année. Aujourd'hui, Killian se remémorait sa mère, cette femme incroyable qui lui avait donné la vie avant d'en être arrachée si rapidement, brisant le cœur de son fils, brisant l'unité d'une famille, brisant le corps tout entier de son fils tant aimé. Parce qu'elle l'avait aimé, bien plus que n'importe quelle mère n'aurait pu aimer son enfant. Ensuite, il y avait eu Ellyza, sa petite sœur, sa tendre petite sœur qu'il aimait tellement mais à qui il ne pouvait plus parler, de peur de se briser un peu plus, jusqu'à la mort. Là peut-être retrouverait-il sa mère, mais il avait toujours refusé d'y penser. La mort ne l'attirait pas, pas encore.

Dans sa cabine, Killian observait les photos de sa famille perdue, les photos prises principalement par sa mère, avant son décès. Ils avaient tous l'air tellement heureux lorsqu'ils étaient ensemble. Sa mère... Grande, rousse, un teint de porcelaine. Il n'avait jamais compris pourquoi ni lui ni sa sœur n'étaient roux, puisque leur mère l'était. La génétique avait toujours été un secret pour lui, définitivement.
Mais bon, il n'avait pas toute la journée devant lui. Son travail ne se ferait pas tout seul. Lentement, il se leva de son lit, alla s'apprêter avant de se rappeler qu'il ne travaillait pas aujourd'hui. Repos... Killian ne savait jamais quoi faire de ses journées de repos. La plupart, il les passait dans un pub ou l'autre, depuis l'arrivée du Royal Majestic en Irlande. L'Irlande était un pays merveilleux pour les amateurs de bière, de pub, de bonne ambiance et de jolies filles. Superbes filles d'ailleurs! Killian avait passé de très bons moments depuis son arrivée en Irlande, tellement qu'il rêvait de ne plus quitter ce pays. Mais bon, il ne pouvait pas passé tout son temps dans les pubs non plus. Il prit un sac, emporta deux photos avec lui et sortit de sa cabine.
Sur ces photos, d'abord sa maman et lui, et ensuite la famille au grand complet, composée de sa mère, son père, sa sœur et lui. La belle époque. Killian n'était pas du genre à pleurer, mais s'il avait pu le faire, il l'aurait fait. Vraiment. Parce qu'il n'en pouvait plus, parce qu'il était épuisé.

Tu me manques...

Toi aussi tu me manques Ellyza, mais je ne peux pas, ou je ne veux peut-être pas, reprendre contact. C'est trop tôt, ou peut-être trop tard. La vie nous a séparés, nous n'avons plus rien en commun, je t'aime, mais plus rien ne nous rapproche encore. Tout nous sépare, même les continents. Oublie-moi, ça sera mieux pour toi, mieux pour moi.

Arrivé sur le pont, Killian se pencha au bord d'une rambarde. Tout était paisible, il était tôt. Un coup d'œil à sa montre... huit heures. Trop tôt pour les gosses de riches qui devaient à peine rentrer de leurs soirées arrosées. Trop tôt pour les gens normaux qui somnolaient encore dans leur grand lit. Trop tôt pour ceux qui ne travaillaient pas.
Quand tout à coups... des pas... des bruits de pas. Qui était là, à trainer sur le pont en cette douce et fraiche matinée. Un ange passe... Un regard à droite, puis à gauche. Une jeune femme s'approchait de Killian. Il ne l'avait jamais vue. Il en était sûr. savez-vous pourquoi? Si Killian avait déjà vu cette jeune femme auparavant, jamais il n'aurait pu l'avoir quittée des yeux. "Perfection", ce fut le seul mot qui lui traversait l'esprit. La perfection de ses mouvements, la perfection de son visage, la perfection de ses cheveux. La perfection à l'état le plus pur. Killian n'était pas du genre à s'extasier devant quelqu'un, certainement pas devant une fille. Mais dans ce cas précis, c'était différent, tout était différent. Cette journée était différente. La photo de sa mère qu'il tenait dans sa main tremblait. L'air était définitivement frais ce matin, mais il se réchauffait petit à petit semblait-il...

Un ange... Aucun mot plus fort ou plus beau ne pouvait mieux décrire la superbe jeune femme qui s'était approchée de Killian, se posant elle aussi contre la rambarde. Il la trouvait en tous points magnifique, tout simplement. Mais ne souhaitant pas changer sa nature de cavaleur, Killian ne lui apporta que peu d'attention, même si l'envie était plus forte que tout. Il ressentait le désir irrépressible de la regarder, de la voir de plus près. Ce désir s'écoulait dans ses veines, il ressentait des frissons dans tout son corps. Mais, grâce à son calme légendaire, il restait de marbre, simplement dans la même position, en lui lançant une oeillade ou deux de temps à autre. Cette jeune femme était un diamant brut, elle n'avait pas l'air de se prendre la tête, pas l'air indifférente à son charme non plus. Killian avait eu la fâcheuse habitude, depuis sa dernière véritable histoire d'amour, de se rapprocher des filles qui lui plaisaient juste pour prendre un peu de bon temps et ensuite, les laisser tomber sans le moindre remord. Il refusait de s'engager physiquement et sentimentalement dans une véritable histoire, une relation qui irait bien au-dela de simples considérations sexuelles et sensuelles. Non, Killian ne s'engageait plus, jamais.

Sentant une main se poser sur son bras, Killian fut surpris et releva rapidement la tête, observant la jeune femme. PPour briser une espèce de distance placée entre eux, consciemment de la part de Killian, la demoiselle avait posé sa main sur le bras du jeune homme. Plongeant son regard dans celui de la brunette, il ne put s'empêcher de penser que ce geste traduisait une attirance évidente entre les deux jeunes gens. Et il ne pouvait nier que cette attirance était bien réelle, du moins pour lui. Si ce jour avait été un jour comme les autres, s'il avait été dans son état normal, sans doute aurait-il emmener la jeune femme dans sa cabine sans demander son reste. Il ne lui aurait peut-être même pas demander son nom, il n'aurait pas parlé des choses qui lui plaisaient ou qui l'intéressaient. Non, il aurait emmené sa nouvelle conquête dans sa cabine, ils auraient passé du bon temps ensemble, prit un verre ou deux et puis, il lui aurait demandé de partir et de ne plus essayer de le revoir. Mais ce n'était pas un jour comme les autres, et Killian n'était pas dans son état normal.

Lorsqu'elle se présenta à lui, Killian eut un large sourire. Décidément, cette jeune femme était pleine de surprise. Elle n'hésitait pas à prendre l'initiative, chose qui n'arrivait pas souvent lorsque Killian abordait une jeune femme. Mais, pour une fois, c'est lui qui s'était fait aborder, par Eilys. Eilys... Un prénom qui lui allait à merveille. Il correspondait très bien à ce que Killian voyait, à la beauté de ses traits, à ses grands yeux profonds et mesquins. Oui, un très jooli prénom. Lorsqu'elle fit une remarque sur la photo qu'il tenait dans la main, Killian se concentra à corps perdu sur la photo de sa mère. C'est vrai, elle était tellement belle, avec ses longs cheveux roux et son teint de porcelaine. Sa mère était parfaite, elle était la femme idéale et pourtant, son père l'avait laissé filer, sans demander son reste, sans demander pardon. Killian lui en avait toujours voulu au fond de l'avoir laisser partir. C'était sa faute si sa maman n'était plus là, et il n'avait pas supporté de poids des années sans elle. Mais au fond, Killian se demandait aussi s'il n'en voulait pas un peu à sa maman de l'avoir lâchement abandonné, alors qu'elle savait très bien que les relations avec son père n'était pas tendres. Mais peu importait aujourd'hui, parce qu'elle n'était plus là.
Soudain, il se remémora les paroles de sa petite soeur, encore...

Moi aussi je souffre Killian...

Ellyza avait toujours été plus douée que lui pour cacher ses émotions. Lui avait été très affecté par la perte de sa mère, il était resté enfermé chez lui pendant des jours et des jours. Et son père n'était pas dans un état bien meilleur. Ellyza n'avait que neuf ans à l'époque et pourtant, elle avait déjà joué le rôle de maitresse de maison, et elle l'avait très bien fait. Elle avait du tout cacher, comme toujours.

Revenant du plus profond de ses pensées, Killian émergea et observa à nouveau le visage d'Ellys. Lorsqu'elle lui demanda son nom, il hésita. Il ne le donnait jamais, ou en tous cas pas souvent. Mais ici, il sentait que c'était différent, que tout serait différent avec elle.

Killian, je m'appelle Killian. Ravi de te rencontrer Ellys.

Killian lui sourit et, se tournant totalement vers elle, lui dit:

Tu n'imagines pas à quel point tu illumines ma journée.