Certes, il ne pleuvait plus mais le froid était toujours présent. Pourtant, certains ne se dégonflaient pas et venaient quand même se baigner à la piscine - ils étaient tout de même peu nombreux ; après tout, ce n'est pas un truc de riche d'aller à la piscine lorsqu'il faisait froid : imaginez qu'ils tombent malades, l'horreur ! Bien que Luka soit là depuis plusieurs mois déjà, il avait toujours autant de mal avec ces « gosses de riches », qui ne pensaient qu'à faire la fête et à dépenser un max d'argent, qui n'avaient jamais connu la moindre difficulté dans leur vie si ce n'était s'être casser un ongle. Un soupir s'échappa de ses lèvres. Il lui arrivait parfois de se demander ce qu'il faisait ici. Pourquoi avoir accepté ce poste ? Il aurait très bien pu rester à Chicago, il aurait peut-être trouvé un autre job, qui lui aurait rapporté plus d'argent qu'il n'en avait jamais gagné. Il devait vraiment aimer sa mère pour endurer ce qu'il considérait comme un calvaire.

« Pourquoi est-ce qu'ils ont décidé de faire escale en Irlande en plein mois de mars ? » Un des collègue de Luka s'était approché de lui. Une personne que le jeune homme appréciait beaucoup ; peut-être parce qu'ils étaient issus du même monde. « On aurait pas pu rester dans le sud ? J'en ai assez de passer mes journées surveiller une piscine vide. »

Luka haussa les épaules. Il était d'accord avec son collègue : c'était vraiment ennuyant de ne rien faire de sa journée. Lui, il avait toujours besoin de bouger, de faire quelque chose. Là, il était servis c'est le moins qu'on puisse dire...

« Va savoir. L'Irlande est un joli pays, j'aurais préféré y venir en été; la température est toujours relativement basse, mais on aurait au moins de quoi s'occuper avec la piscine. »

Les deux jeunes hommes parlèrent un peu, puis le collègue annonça qu'il partait prendre sa pause, laissant ainsi Luka seul. Ce dernier alla s'asseoir sur une chaise et observa les quelques adolescents qui était dans l'eau, aux aguets au cas où l'un d'entre eux serait sur le point de se noyer. Comme la température était basse, Luka avait enfilé un t-shirt blanc par dessus son maillot - il ne voulait pas que tous son salaire soit dépensé pour le soigner d'une grippe.
Un bruit attira son attention et Luka tourna la tête pour apercevoir une tête blonde qu'il connaissait bien. Kathalina Evans, l'une des personnes les plus insupportables qu'il ait jamais rencontré sur ce bateau. Insupportable certes, mais aussi très jolie. Et malgré toutes les crasses qu'elle lui faisait, malgré la façon dont elle avait l'habitude de s'adresser à lui, il ne pouvait s'empêcher de penser à elle. Et il se détestait pour sa faiblesse ; après Kaya, il s'était juré de ne plus aimer sérieusement quelqu'un. Cette fille pourtant, était sur le point de faire échouer ses plans. De toute manière, entre eux il n'y avait aucune chance, il en était persuadé. Elle le détestait, elle ne ressentait rien pour lui et cela ne changerait sans doute jamais. Quant au jeune homme... Et bien, plutôt mourir que de lui avouer ce qu'il ressentait - il avait tout de même sa fierté à protéger.
Luka tourna à nouveau la tête, feignant de se concentrer sur le piscine et sur ses occupants, alors que son esprit vagabondait ailleurs.

Luka se retint de soupirer lorsqu'il vit la blondinette se pointer devant lui, alors que son coeur ratait un battement. Décidément, Kathalina n'arrêterait jamais. Non, emmerder les autres lorsqu'ils travaillent devait faire partie de sa seconde nature. Dès qu'elle était dans le coin, Luka savait que ça allait être pour sa pomme. Elle avait une dent contre lui, ce n'était pas possible autrement. Toujours en train de lui reprocher quelque chose. C'était presque dommage, une si jolie fille... Il leva les yeux vers la demoiselle, essayant de garder son calme - chose qu'il arrivait habituellement, lorsqu'il n'était pas face à cette demoiselle. Elle était vraiment jolie. C'était rare de voir des filles comme ceci, de nos jours. Luka craquait totalement devant elle, c'était sûr. Mais pour rien au monde, il ne l'avouerait. Ni à elle, ni même à lui-même.

« Franchement, on ose appeler ça du travail? Rester sur une chaise à regarder les autres et à reluquer les filles? Payer à rien foutre oui! »

Et voilà, c'était partie. Aussi jolie que détestable. C'était une des raisons qui faisait que le jeune homme ne comprenait pas le fait qu'il craque pour les beaux yeux de Kathalina. Elle était invivable. Et encore, c'était un euphémisme. C'était un miracle qu'ils ne se sautent pas au cou dès qu'ils se voient ; le jeune homme s'était déjà imaginer assassiner la demoiselle une bonne dizaine de fois. Il n'était cependant pas encore passé à l'acte. Il lui adressa un sourire, faisant comme s'il n'avait rien entendu.

« Je vais bien merci. » L'agacer. C'était ce qu'il savait faire de mieux. C'était très distrayant. Surtout lorsque l'on voyait les réactions de la demoiselle, souvent spectaculaires. « Je ne te retourna pas la question. Tu as l'air en pleine forme, toi. »

Il les détestait. Il les haïssait. Ses gosses de riche qui n'avaient qu'à claquer des doigts afin d'obtenir ce qu'ils souhaitaient. Heureusement qu'il aimait sa mère ; il sera déjà parti depuis longtemps si ça n'avait pas été le cas. Il en avait assez de ces filles qui pleuraient pour un ongle cassé. Il en avait marre de ces garçons qui se vantaient car leur parents leur avait acheté une montre à cent mille dollars. Un monde différent du sien. Bien trop différent. Et cette fille en faisait partie. Il était attirée par elle, mais tous les séparaient. Luka avait l'impression de ne pas vivre sur la même planète. Et puis de toute manière, elle semblait l'avoir pris en grippe. Pas du tout du genre à tomber dans les bras d'un mec comme lui. Si ça ne tenait qu'à lui ils seraient déjà passés à la prochaine étape. S'il savait...
Et puis après tout, qu'est-ce que ça pouvait bien lui faire, qu'il soit là à « reluquer les filles en maillot » ? En quoi est-ce que ça la gênait ? Il était payé pour sauver ceux qui se noyaient ; elle serait bien contente qu'il soit là en train de la mater si elle venait à se noyer. Il se leva et s'approcha de la demoiselle.

« Et quoi qu'il en soit, la piscine est mon terrain. Méfie-toi, Evans : tu risquerais de tomber malade si l'envie me prenait de te pousser à l'eau. » Il adopta un air dramatique : « Ou pire ! Tes cheveux pourraient friser ! Imagine, deux heures de ta vie à la poubelle en deux secondes ! »

Il appuya son index sur l'épaule de Kathalina, la poussant légèrement, pour accompagner ses paroles. Une menace ? Non pas vraiment. Il considèrait plutôt ceci comme une mise en garde ; sa patience avait des limites. Surtout lorsqu'on parlait de Kathalina Evans. Luka allait peut-être trop loin, mais il s'en fichait. Il n'allait tout de même pas se laisser faire par une demoiselle dans son genre, non ?

« Tu crois vraiment que je vais t'écouter? Je te signal que c'est grâce à des gens comme moi que t'es ici.C'est grâce à des gens comme moi que t'as un boulot. C'est grâce à des gens comme moi que tu es payé. Si quelqu'un ici peux donner des ordres ou faire des menaces, c'est moi. Tu sais que je peux juste claquer des doigts et tu te retrouve à la porte? Garde tes paroles inutiles, ça te gaspillera moins de salive. »

Là, elle marquait un point. Oui, c'était des gens comme elle qui lui avaient permis d'avoir ce genre de job. C'était grâce à eux qu'il avait la possibilité de travailler ici, grâce à eux qu'il pouvait espérer voir sa mère guérir un jour. Mais elle n'allait tout de même pas le faire virer. Elle n'oserait pas. Il avait besoin de ce job. Il avait besoin de cet argent. Forcément, elle ne pourrait pas comprendre. Elle n'avait jamais du travailler de sa vie. Elle n'en a jamais eu besoin. Et de toute manière, il ne lui parlerait pas de sa situation. Comme si elle avait besoin de savoir... Plutôt mourir que de lui parler de ses problèmes. Il n'allait tout de même pas avouer ses faiblesses à son ennemi. Par contre, jamais Luka n'accepterait le fait de recevoir d'ordre de la part d'une gamine égoïste dans son genre. Il n'avait que ça à faire, écouter les divagations de ce genre de fille. Kathalina était encore plus idiote de ce qu'il pensait. Elle n'allait tout de même pas demander à ce qu'on le vire parce qu'il dit des choses vexantes à son égard ? Si elle n'était pas contente, elle n'avait qu'à aller bronzer autre part qu'au bord de la piscine. Après tout, elle ne se baignait pratiquement jamais et il y avait des transats partout sur le pont du bateau. Alors pourquoi s'entêtait-elle donc à venir à la piscine, déranger ceux qui travaillaient ? Décidément, il y avait bien des choses que Luka ne comprenait pas.
Kathalina se rapprocha de lui. Il tenta de rester impassible, alors que les battements de son coeur s'accélérèrent. Surtout, ne rien faire qui puisse le trahir. Ce n'était qu'une cliente comme les autres - un peu plus difficile que les autres, dirons-nous plutôt. Respirer. Rester calme, comme d'habitude. Même si la demoiselle l'énervait. Son regard tomba sur les lèvres roses de la demoiselle. Elles n'étaient qu'à quelques centimètres des siennes. Il n'avait qu'à approcher son visage de celui de Kathalina - Dieu qu'elle était belle !- et... Non. Non, non et non. Il en était hors de question. Reprends-toi, Luka ! Cette fille est jolie oui, mais c'est une peste. Tu te rends compte de l'erreur que ce serait de l'embrasser ? Oui, une belle erreur. Que Kathalina lui ferait sans doute regretter chaque jours en faisant de sa vie un enfer - quoi que, ça ne pouvait pas être pire que maintenant.

« Si tu pouvais t'écarter de mon chemin... Je passais dire bonjour mais apparemment, tu ne va pas aussi bien que tu le prétend. On t'as déjà dis que quand tu étais énervé tu avais une veine qui ressortait sur ton front? Hum, pas facile quand tu veux faire genre que t'es détendu... »

Passer le bonjour ? Ah, parce que Kathalina Evans était devenue une demoiselle modèle qui allait prendre des nouvelles des gens qu'elle n'appréciait pas ? Il fallait prévenir, c'était tellement... inattendu de sa part. Kathalina. Polie. Ca ne rimait pas, tiens. Oui, parce que ce n'était pas son genre du tout. Le jeune homme avança quelques peu son visage, qui se trouvait à présent à quelques petits centimètres de celui de la jeune fille. Il planta son regard dans les yeux bleus de la demoiselle - magnifiques, au passage. Concentration. Non, il ne baisserait pas ses yeux sur ses lèvres. Non, il ne l'embrasserait pas. Quoi que ? Juste deux secondes, quitte à récolter une gifle après, il... Non ! C'était hors de question.

« Et toi, tu devrais arrêter de jouer les indifférentes. Ne fais pas comme si ce que je disais ne t'atteignait pas. Et tu veux partir ? Très bien, ne te gêne pas. Tu n'as pas besoin que je m'écarte, la sortie est derrière toi. »

Un sourire s'afficha à nouveau sur ses lèvres. La veine sur son visage n'était pas seulement du au fait qu'il soit énervé. Non, il marquait aussi sa lutte. Contre lui-même. Embrasser Kathalina ou la pousser dans l'eau ? - elle était au bord du bassin. Ou alors, aucun des deux ? Jamais il n'avait vu la demoiselle d'aussi prêt et il devait avouer qu'elle était encore plus jolie. Physiquement, elle était parfaite. Tout ce dont un homme pouvait rêver -et encore, Luka se surprit à penser que nue, elle devait être encore mieux- mais au niveau de son caractère... non, merci. Ca ne l'intéressait pas. Quelques gouttes commencèrent à tomber et quelques personnes rangèrent leurs affaires ; il pleuvinait. Luka espérait que cela ne se transformerait pas en tempête. Il aimait la pluie, mais il n'était pas d'humeur, là.

Un claquement de doigt. Retour à la réalité. Elle voulait qu'il arrête de la détailler. Mais que voulait-elle donc ? Qu'ils se regardent dans le blanc des yeux des heures et des heures ? Très peu pour lui. Luka aimait les belles filles. Celles qui possédaient un corps plutôt pas mal, celles qui avaient de jolies formes. Et Kathalina semblait justement faire partie de ce genre de demoiselles - il pouvait nettement le deviner à travers ses vêtements. De toute façon, il avait déjà eu l'occasion de la voir habillée légèrement, lorsqu'elle venait bronzer à la piscine. Et il le confirmait : elle possèdait un corps à faire rougir les mannequins.Un corps à faire rêver les hommes. D'ailleurs - bien qu'il refusera de l'admettre, Luka faisait partie de ceux-là.

« Apparemment le temps se rafraîchit hein? Tiens, ça n'a pas l'air de te déranger. Ah mais oui, j'y suis... Tu devait surement pas avoir de toit sur ta maison avant... La pluie ça doit te connaitre non? »

Ca, c'était une mauvaise idée. Très mal joué de la part de Kathalina. Luka avait encore espéré. Il s'était dit que peut-être, la demoiselle n'était pas si mauvaise que cela. Que peut-être, il y avait du bon chez elle. Là, il était déçu. Vraiment déçu. Non, Kathalina n'était pas différente des autres. Enfin si, elle était encore pire que les autres. Luka arrivait à supporter la majorité des gosses de riches qui étaient sur le bateau dans la mesure où celles-ci ne venaient pas lui chercher des noises. Elles se contentaient de lui parler, de lui adresser quelques sourires niais et de s'en aller tout raconter à leurs copines. Kathalina n'était pas comme ça. Elle blessait les gens, elle touchait leurs points faibles. Habituellement, cela n'atteignait que très peu Luka, mais avec elle, ce n'était pas la même chose. Il était fou de la demoiselle, malgré son caractère de fille pourrie gâtée. Alors qu'il essayait de rester calme en apparence, son coeur bondissait dans sa poitrine lorsqu'il la voyait. Il se surprenait même parfois à espérer qu'elle soit là, à le taquiner. Luka ne s'était jamais compris. Pourquoi elle ? Pourquoi une peste dans son genre ? Mais quoi qu'il en soit, là c'était la phrase de trop. Assez. Il en avait assez. Il méritait tout de même mieux que cette garce, non?
Il fronça les sourcils. Ses yeux lançaient des éclairs. Sa veine était toujours présente sur son front. Il avança à nouveau son doigt vers l'épaule de la demoiselle et prit sur lui afin de ne pas exploser :

« Qu'est-ce que tu veux que je te dise ?! Que je suis désolé de ne pas être né avec une cuillère en or dans la bouche peut-être ? Et bien non, je ne le suis pas. Je suis fier de ne pas être un gamin égocentrique et détestable. Je suis fier de ne pas être comme toi et ta clique, Evans. »

Il détestait cette fille. Il la détestait autant qu'il la désirait. Mais ça ne serait jamais possible, n'est-ce pas ? Deux caractères aussi opposés l'un à l'autre ne pourraient jamais se correspondre. Et puis, même si c'était le cas, il aurait déjà fallu pour ça que Kathalina s'intéresse à Luka. Et, selon lui, cela n'arriverait jamais. À ce moment-là, la haine qu'il ressentait pour la demoiselle avait pris le dessus, ou essayait du moins. Car son désir pour elle était toujours présent, même s'il refusait de se l'avouer.

« Tu sais quoi ? Va te trouver un autre joujou, un autre mec de mon genre à emmerder. Moi, j'en ai ras le cul. »

La piscine était vide. Parfait. Pas de témoin, c'était sa parole contre celle de Kathalina. Il ne pensait même pas au fait qu'il pourrait se faire virer si la demoiselle en donnait l'ordre - il avait presque oublier qu'elle en aurait la possibilité. Il poussa la demoiselle dans l'eau et... perdit l'équilibre et glissa également dans le bassin. Décidément, ce n'était pas son jour...

Et merde. Luka et sa maladresse. Pourquoi avait-il fallu qu'il tombe lui aussi? Tout aurait été tellement plus... parfait si Kathalina s'était retrouvée seule dans l'eau, trempée jusqu'au os ; il aurait pu se moquer d'elle et l'humilier. Non, là ce serait plutôt à elle de se moquer de lui - tomber de cette manière... Tout cela lui rappelait quelque chose. La première fois qu'il l'avait rencontrée. Un moment d'inattention et ils avaient tous les deux atterri dans le bassin. Elle lui en avait voulu. Elle lui en voulait toujours en fait. Depuis ce jour, elle lui menait la vie impossible. Ah, s'il avait pu éviter de la pousser ce jour-là peut-être n'en seraient-ils pas là aujourd'hui. Luka ne se prendrait pas la tête à cause de Kathalina. Il exercerait son métier, tranquillement, et aurait sans doute accepté les avances d'une autre fille. Seulement non, il les rejetait toutes. Chaque fois qu'on venait à lui, l'image de la blondinette s'imposait à son esprit, comme une évidence. Et ça avait la fâcheuse manie de l'énerver. Pourquoi elle et pas une autre ?
Leur dispute ayant presque disparu de son esprit, sous l'effet de la chute, il s'approcha de la demoiselle pour lui tapoter le dos, par réflexe. Il réalisa bien vite son erreur lorsqu'elle lui jeta un regard noir et les mots qu'elle lui avait craché deux secondes plus tôt lui revinrent à l'esprit. Ce n'était pas une fille banale qui se trouvait en face de lui. Ce n'était pas quelqu'un à sauver de la noyade. C'était Kathalina Evans. Le diable en personne.

« Espèce de, de... »

Espèce de ? Kathalina ne termina pas sa phrase et Luka remarqua que la demoiselle ne le regardait plus dans les yeux ; ses yeux s'étaient perdus plus bas. Sans se soucier le moins du monde du fait qu'elle observait son corps, il en profita alors pour la détailler à nouveau. Même avec son maquillage qui coulait, elle était toujours aussi sublime. Aussi parfaite. Il retint un soupir. Il avait envie de la prendre dans ses bras, de glisser ses mains dans ses cheveux, de poser ses lèvres sur les siennes, et.... Les yeux de Luka s'écarquillèrent soudainement : pourquoi a-t-il fallu qu'elle mette un t-shirt blanc ? Le regard de Luka venait de passer au-dessous du visage de la demoiselle. Un T-shirt blanc qui devenait transparent. Un soutient-gorge de couleur - rouge, rose ? Malin sous un haut blanc ; elle n'était pas rose pour rien - qui commençait vaguement à apparaître. On pouvait également clairement y distinguer la forme de la poitrine de la demoiselle. Ca, ça craint. Et oui, il s'était fichu dans un sacré pétrin. Luka est un homme. Kathalina une jeune femme qui l'attirait sans aucun doute. Faites rapidement le calcul et vous verrez dans quel état d'esprit était Luka - la situation le travaillait. Un combat s'était engagé à l'intérieur de son esprit. Allait-il céder, ou résister ? Il fallait dire que le maître-nageur était faible. Bien trop faible. Surtout face à la blondinette.
Luka avala difficilement sa salive et son regard revint se fixer dans les yeux de Kathalina, bien décidé à ne plus baisser son regard, bien que ça le démangeait - pas mal, la petite. La demoiselle le suivit ; elle quitta également son torse pour le regarder dans les yeux. Et puis soudain, elle éclata de rire. Kathalina, en train de rire. C'était donc possible ? Quoi qu'il en soit, cela confirma à Luka ce qu'il pensait depuis un moment : lorsqu'elle riait de bon coeur, la demoiselle pouvait vraiment être jolie. Belle même. Non, magnifique. Et encore, c'était peu dire. Il se mit également à rire, avec elle. De la situation. Ils étaient pathétique. Heureusement qu'il n'y avait plus personne. On en aurait encore parlé longtemps sur le bateau. Et la demoiselle ne l'aurait sans doute pas accepté.
Et soudain, il s'arrêta de rire et un air sérieux s'afficha sur son visage. Il se mordit la lèvre inférieur. Merde. Il n'allait tout de même pas ... ? Si, il en avait envie. Très envie. Il voulait le faire. Il devait le faire, peu importe la réaction de la demoiselle. Ca le démangeait. Au creux de son ventre. Il savait que, s'il devait le faire un jour, c'était le bon moment. Alors, il s'avança vers la demoiselle. Et leurs lèvres se rencontrèrent enfin.

Luka était fou, il était dingue. Encore plus que ça : il était suicidaire. Embrasser Kathalina Evans, la fille qui le détestait le plus au monde, qu'est-ce qui lui avait pris ? Il n'en savait trop rien. Peut-être que finalement, il ressentait bien quelque chose pour elle... Quelque chose de plus intense que tout ce qu'il aurait bien voulu avouer. C'était bien lui ça, s'enticher de celle qu'il ne fallait pas. De celle qu'il ne pourrait jamais avoir. Kathalina ne pouvait pas le voir en peinture et lui-même la trouvait insupportable ; c'était une peste et les pestes n'étaient pas son genre de fille. Et puis ils n'arrivaient pas à avoir ne serait-ce qu'une seule conversation sans se crier dessus. Eux, c'était impossible et Luka le savait bien. Cependant, lorsqu'il embrassa Kathalina, il sentit les bras de celle-ci remonter, glisser vers sa nuque. Il sentit une de ses mains glisser dans ses cheveux. Son corps était parcouru de frisson. Il avait imaginé la demoiselle avoir plusieurs dizaines de réactions différentes face à son acte mais ça... jamais il n'y aurait pensé. Cette fille de bourge, qui semblait le détester depuis leur première rencontre, lui rendait son baiser. Était-ce seulement possible ? Finalement, son acte suicidaire n'avait pas été en vain. Au contraire, c'était même très intéressant. Sans même réfléchir à ce qu'il faisait, il attira la demoiselle plus près de lui. Il désirait tellement Kathalina. Depuis trop longtemps. Il la voulait. Il voulait que son corps lui appartienne, ne serait-ce qu'une seule nuit. Il essaya de glisser ses mains sous le t-shirt de la demoiselle et... une claque. Retour à la réalité. Bah tient. Étonnant qu'elle ne l'ait pas fait plus tôt. Luka n'en revenait toujours pas. Il la lâcha et s'éloigna légèrement.

« Connard! »

Si tu le dis. Il se retint de sourire, ce n'était pas le moment. Cette fille était aussi prévisible qu'imprévisible. Ce qu'elle venait de faire, Luka s'y était tellement attendu. Le fait qu'elle réponde à son baiser moins, par contre. Connard ? Mais pourquoi avait-elle refusé de retirer ses lèvres de celles du jeune homme plus tôt ? N'en avait-elle pas envie elle aussi ? Et après, elle osait dire à Luka qu'il devrait apprendre à mentir sans se faire prendre. Il lui retournait le conseil.
Quoi qu'il en soit, Luka tourna le dos à Kathalina et se dirigea vers les escaliers, à la nage. Il quitta la piscine et retourna vers la chaise où il avait été assis quelques minutes plus tôt, celle réservée aux maîtres nageurs. Il soupira de soulagement lorsqu'il y arriva. Ils avaient été assez intelligents pour sortir le parasol malgré le mauvais temps : ses affaires étaient intactes. Le jeune homme retira son t-shirt et commença à se sécher avec son linge. Lorsqu'il eut fini, il le mit sur ses épaules. Il se tourna vers Kathalina :

« Tu devrais te dépêcher de sortir, Evans. Avant que les linges ne soient totalement trempes. Tu vas devenir la risée du navire si tu restes comme ça. Imagine : un moins-que-rien a déjà eu la possibilité de voir tes sous-vêtements en avant première. Tu ne voudrais tout de même pas que tout le bateau en profite ? »

La rancune qu'il avait éprouvé pour elle quelques instants plus tôt étaient revenue. Il était persuadée qu'elle n'était pas indifférente à lui, mais ce qu'elle avait osé lui dire était toujours là, comme si le disque se répétait sans jamais s'arrêter. Que savait-elle de lui après tout ? De quel droit s'était-elle permis de le juger ?