SAFARI ◈ faites un bisou aux lions !

SAFARI

Les arbres secs, la terre brûlante, l'air piquant. Des grains de sable chaud dans les cheveux. Madagascar...
"Un paradis sur terre", pensa June. La jeune femme but une gorgée d'eau dans sa bouteille personnelle, se releva les cheveux en une couette haute, mit ses lunettes de soleil par-dessus, prit son rouge à lèvre qu'elle mit dans son sac à main où se trouvaient déjà un miroir de poche, son fond de teint, un Brumisateur... La demoiselle hésita un instant avant de rajouter un petit paquet de biscuits allégés à son kit de survie. June soupira. Voilà. Elle était prête pour partir à l'aventure !
Repérer le lieu de départ du safari fut un jeu d'enfant : il y avait un attroupement de personnes autour de plusieurs Jeep, et un grand panneau arborant le mot "Safari" en lettres multicolores. En approchant d'un des Jeep, June s'aperçut que la plupart des personnes étaient munis d'un sac à dos. Oups. La jeune femme baissa les yeux sur son petit sac à main rouge en simili cuir. Tant pis, elle assumerait. Parmi tous ces visages, quelques uns lui étaient familiers : Cathlyn, Jules... Tiens, le professeur et son élève ! June émit un petit rire. La jeune fille se retourna, étonnée. L'attention de June fut alors soudainement captivée par le pneu de la Jeep."Tiens tiens... Ne serait-ce pas un pneu Michelin ? À moins que je ne me trompe..." Un coup d'oeil à gauche... C'est bon, la curieuse s'est retournée. June releva la tête et se racla la gorge. Elle n'aimait pas attendre sans rien faire. Enfin, le guide invita les aventuriers à monter à bord des Jeep. June se retrouva assise sur la banquette de droite. À sa gauche, la petite Jules. À sa droite, le vide. La jeune femme agrippa par réflexe la barre verticale collée à son siège. Le véhicule s'ébranla. À cet instant, c'était comme si toute la gêne et la timidité de chacun s'étaient évaporées. Les passagers se mirent à faire les présentations et à raconter leur vie. Impressionnant. Lassée de toutes ces discussions bruyantes et superficielles, June se concentra sur le paysage qui défilait à toute allure. Le vent chaud lui fouettait agréablement le visage. La jeune femme sourit, fermant les yeux pour profiter davantage. Elle les rouvrit juste à temps pour apercevoir trois antilopes passant à toute vitesse devant elle.
" Oh, vous avez vu..." June se pencha brusquement en avant pour pouvoir les suivre du regard, mais perdit l'équilibre. Elle atterrit sur le sol poussiéreux sans comprendre ce qui se passait. Heureusement qu'elle avait prévu de se faire discrète ce jour-là...
Il y eut des exclamations provenant de la Jeep. June voulut se relever mais elle retomba aussitôt. Il ne manquait plus que ça... Son talon était cassé ! La jeune femme marmonna une insulte à l'intention de sa chaussure. Une main sortit de l'épais nuage de poussière provoqué par l'arrêt du véhicule. June la saisit sans se poser de questions et réussit à remonter dans la Jeep. Elle fut aussitôt couvée de regards compatissants. June s'aperçut qu'elle tenait toujours la main de sa sauveuse. Elle la lâcha précipitamment en voyant qu'elle appartenait à la petite danseuse. Celle-ci lui adressa un sourire un peu gêné et murmura d'une petite voix :
" Heu... Ça va ? Moi c'est Jules. Jules Carter."
June la dévisagea sans scrupules.
" Je sais." répliqua-t-elle sèchement.
Puis, se rappelant les règles de politesse, ajouta :
" Ça va aller, merci. Hum... Je m'appelle June Hopkins."
C'est alors qu'elle remarqua son ongle cassé. Elle faillit tomber dans les pommes. Sa manucure ! Tout à refaire... Décidément cette journée commençait plutôt mal pour la pauvre June !

Je sortis du Royal Majestic. Baskets usées aux pieds, casquette des Yankees sur la tête, lunettes de soleil sur le nez, sac sur le dos, bouteille d'eau et crème solaire à l'intérieur, appareil photo accroché au cou, vêtue d'un short court et d'un débardeur blanc. La chaleur étouffante de Madagascar m'agressa à l'instant où je posai mon pied à l'extérieur. Je soupirai, sentant immédiatement mes vêtements coller et la sueur perler de tous les pores de ma peau. Je me demandai ce que je faisais là. J'aime pas les animaux, j'aime pas quand il fait trop chaud et j'aime pas les trajets en voiture ; pourquoi m'étais-je inscrite à ce stupide safari ? Je m'avançai vers l'attroupement de personnes autour d'une Jeep énorme, en pestant dans ma tête à l'intention du vent quasi-inexistant sur l'île africaine. Je reconnaissais vaguement quelques visages, mais personne que je connaissais vraiment, sans pour autant m'attarder sur personne. Bon, tant pis. Le guide nous invita à monter dans la voiture ; tout le monde s'exécuta, obéissant. J'avais presque envie de ne pas monter, rien que pour énerver tous les passagers, mais je me ravisai, soupirant à nouveau. Soudain, une idée brillante germa dans ma tête : je décidai de pimenter un peu le voyage, en me comportant mal avec les gens m'entourant. De toute façon, je ne connaissais pratiquement personne, donc, à vrai dire, ça m'était bien égal. Il me suffirait de faire croire à une petite cuite, rien que pour pouvoir dire tout ce qui me passait par la tête... Heureusement, ma flasque était, comme d'habitude, dans mon sac. Juste avant de grimper sur le véhicule, j'avalai une gorgée d'alcool, prenant soin à ce que tout le monde me voie ; ce qui était le cas, vu les regards ébahis et désapprobateurs qu'ils me lançaient. Satisfaite, je montai, et fis bouger tout le monde, à grand renfort de « Poussez-vous ! Bougez vos fesses, s'il vous plaît ! » . Le véhicule s'ébranla et partit, enfin, et les passagers commencèrent à discuter, leur timidité envolée. La plupart ne me parlaient pas, se contentant de m'observer du coin de l'oeil ou de m'ignorer. Seuls quelques uns m'adressèrent de maigres sourires un peu gênés. Ce qui m'agaça, à vrai dire. J'allais parler, quand je vis la fille à ma droite tomber bruyamment de la voiture. Un rire exagéré s'échappa de mes lèvres, pendant que quelqu'un l'aidait à remonter. Je n'arrivais pas à m'arrêter de rigoler, pendant qu'elle se présentait à sa sauveuse. Elle se rassit ensuite, honteuse, pendant que j'observais son air consterné à la vue de son ongle cassé. Je continuais de rire, et lui fis une remarque pas très sympa, me foutant ouvertement de sa gueule. « Jolie chute, June. » Quelques sourires s'échappèrent des lèvres de mes voisins, même si personne ne nous regardait en face. Je continuai mes petites blagues, critiquant à haute voix les autres passagers, en commençant par la personne en face de moi, qui venait de se prendre un truc dans l'oeil, les larmes aux yeux. « Tu pleures parce que t'es moche ? » Autres rires, toujours sans un regard. Je repris une gorgée d'alcool, amusée par mes propres blagues. Je pense que j'arriverais à me faire rire même si j'étais toute seule sur une île déserte... Après ma troisième critique, les gens commencèrent à me regarder de travers, espérant silencieusement que je ne leur fasse pas de remarques. Je le voyais, ça crevait les yeux. Ceux que j'avais insulté avaient tenté une répartie, que je n'avais pas écouté, et étaient restés dans leur coin, les joues rouges, l'air vexé. Pff, qu'est-ce qu'ils étaient ennuyeux, ceux-là... Je me décidai alors à observer le paysage ; très beau, bien entendu. Je pris quelques photos, inspirée, puis revint sur mes victimes. Bon... Je m'ennuyais, maintenant, et j'avais fini mon stock de blagues, en plus du fait que mon public s'était lassé de moi. Je la fermai, soupirant, et rangeai ma flasque. Quelques personnes que je n'avais pas remarqué restaient de leur côté, prenant des photos, leur visages cachés par des chapeaux pas très beaux, ce qui ne me permettait pas de les reconnaître. Je décidai de les imiter, pour passer un peu de temps. Ce voyage allait être long. TRÈS long...

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