« sing, sing a song, sing out loud. »
ϟ bar & judas.

En cette douce après-midi, Judas s'était assis dans l'herbe, dans un tiède rayon de soleil. En tailleur, sa guitare dans les bras, ses doigts caressaient les cordes comme ils ne l'avaient plus fait depuis un certain temps désormais. Depuis qu'il avait ancré ses deux pieds sur le bateau, il n'avait plus sorti son instrument de sa housse, et c'était seulement maintenant qu'il se rendait compte que ce petit passe-temps lui avait manqué.
Cela faisait désormais une heure qu'il était dans cette position, les yeux dans le vague, ne pensant même pas aux notes et aux accords qu'il jouait. Ses mains se mouvaient automatiquement, sans qu'il ait seulement besoin de penser à leurs déplacement. Et même si son esprit était à demi absent, cela lui était si relaxant …
Qu'était la musique en fin de compte ? Un dictionnaire aurait donné comme définition bien trop prosaïque: « technique et art de combinaison des sons ». Mais ce n'était pas même une chose, c'était seulement un nom. Un nom adoré ou abhorré selon l'individu, mais un nom malgré tout. Un simple mot. Personne ne pouvait toucher la musique. Pourtant elle était là, simplement là. Il s'agissait d'une entité, imaginaire peut-être, mais malgré tout présente.
Voilà ce à quoi pensait Jude depuis tout ce temps. La musique n'existait pas.
Pourtant il parvenait à la modifier au gré de ses envies. Il était loin d'être un Dieu, mais il avait le pouvoir sur cette substance: le bruit. Et la mélodie suivait le moindre de ses désirs. Un Knockin' On Heaven's Door succédait à un Zombie. Et un Penny Lane devançait un Delivery.
Le londonien avait l'impression que cela faisait des jours et des jours qu'il était installé là. A tel point qu'il lui semblait avoir des effets de Déjà-Vu. Cette fille tout en noir là-bas, n'était-elle pas passé derrière cette porte, dans le même sens, quelques secondes plus tôt ?
Judas secoua la tête de gauche à droite à plusieurs reprises. Il aurait dû prendre un café un peu plus tôt, cela lui aurait sans doute évité ce genre de fantaisies. Ou alors il pouvait prendre comme nouvelle résolution de se coucher plus tôt, et donc de sombrer dans les bras de Morphée d'avantage rapidement chaque nuit. Car ses insomnies commençaient à l'épuiser, même en plein jour.
Il fit une fausse note, trop concentré sur ses pensées sans queue ni tête pour faire quoi que ce soit de juste. Dans sa barbe, il marmonna:
« On n'est pas le meilleur quand on le croit, mais quand on le sait. »
Jude n'avait pas l'ambition de devenir un musicien professionnel ou quoi que ce soit. Mais il n'avait jamais été le meilleur. Peu importait ce qu'il avait un jour entrepris, il n'avait jamais été le premier. Et cette phrase, aussi banale qu'elle puisse être, aussi ridicule qu'elle puisse paraître, avait pour don de le re-concentrer. Toujours. Même lorsqu'il lisait. Il ne savait d'ailleurs même plus d'où elle sortait, mais elle franchissait la barrière de ses lèvres dès qu'il avait l'impression d'avoir échoué.
Il entama alors les premiers accords de Wonderwall, d'Oasis. S'il avait su chanter cela aurait certainement rendu bien mieux. Mais mieux valait éviter de commettre quoi que ce soit de trop insupportable, notamment pour ne pas ruiner les tympans des rares fous qui passaient par là.
Oasis … Si seulement les gens daignaient enfin comprendre que les groupes britanniques étaient les meilleurs ? Certes les Gallagher n'avaient pas été très fins de se séparer en pleine tournée mais ..
Oui. Là n'était pas la question. Jude avait tendance à s'emballer lorsqu'il s'agissait de groupes british. Et encore une fois, il s'éloignait du sujet principal: la musique.
Il allait tout arrêter, portant la conclusion qu'il avait trop joué, qu'il ne pouvait plus se focaliser d'avantage sur cette action, lorsqu'il entendit une voix. Il ne savait pas d'où elle venait exactement, mais un chant féminin, plus ou moins lointain, reprenait les paroles du morceau qu'il jouait.
Intrigué, il se tourna de tous côtés, parcourant son champ de vision à la recherche de la mystérieuse cantatrice, sans que ses doigts cessent pour autant leurs mouvements. Qui était-elle ?

« life is like a work of art. »

Depuis que nous avons quittés la côte, les jours se ressemble de plus en plus. J'ai besoin activement de renouveau ou je crains de ma petite personne devienne chèvre. Entre les cours, le travail personnel et la lecture c'est un cercle trop vicieux. Le son des cordes d'une guitare me manque, le rythme crée par la batterie et les basses de la base, la musique tout simplement. Pour me changé quelque peu les idées, je me baladai sur le pont puis dans les jardins d'été. Je m'étais arrêté un instant pour regarder l'immensité de la mer, l'horizon en espérant infiniment de voir un bout de terre. J'écoutais en même temps un peu de musique acoustique classique ou non. J'étais habillé modestement, c'est a dire un jean foncé et une petite liquette beige tout ça ponctué par de sublime escarpins Lonboutin. Je marchais a son habitude d'un pas actif, mes talons se faisait entendre, impossible d'arrivée discrètement. Cela ne me déplais pas, puisque mes talons selon ma vitesse vont prendre un rythme particulier et dans ma tête je vais ensuite imaginé une mélodie, puis des paroles. Je regrette de ne pas avoir emporté avec moi ma guitare (enfin celle de Bixente que j'utilise tout le temps). Je ne suis pas une grande virtuose, ni une professionnelle, mais j'aime bien jouer quelques note de temps en temps.
Je venais à peine d'arriver au jardin d'été que j'entendis une guitare. De suite, par instinct (oui c'est assez bizarre..) je me dirigea vers l'instrument. C'était un jeune homme assez agréable à regarder qui en jouait, je me mis nous loin (en réalité cacher derrière des fleurs) et observa un instant. Ayant la bougeotte, je tournais un peu autours de lui et finis par me mettre derrière lui le plus silencieusement possible (pas facile avec mes talons). Il jouait un morceaux connus, Wonderwall du groupe Oasis. Je la connaissais plus que sur les bouts des doigts, c'est un des groupes préféré des gas et ils me les rabâche tout le temps. J'avais un peu de mal a ne pas chanter, les paroles sortirent naturellement. Je chantais assez doucement, d'une voix mitigé entre grave et aigu. Caché, il ne pouvait me voir mais en voyant qu'il me cherchait je m'assis à ses côtés on continua à chanter. A la fin de la chanson, nous restèrent un petit moment silencieux en se regardant un peu dans le blanc des yeux. Je lui souris, contente d'avoir trouver une personne qui aimait la musique et dit qu'une voix douce: « tu joue plutôt bien ... Je m’appelle Bar ! » Je me mis toute droite et lui tendis fièrement ma main.

« politeness will kill us, one day. »
ϟ bar & judas.

Judas avait beau se dévisser la tête et parcourir le moindre mètre carré qui l'entourait, il ne voyait pas la chanteuse. Il était en plein duo, certes, sur ce morceau légendaire d'Oasis qu'était Wonderwall, mais il n'avait pas la moindre idée concernant l'identité de son accompagnatrice.
Et d'un coup elle fut là, simplement, à ses côtés, comme tombée du ciel. Avec un certain air innocent, elle se contentait de chanter, comme si c'était la chose la plus naturelle du monde. Elle avait un visage d'enfant et des yeux pétillants de malice, comme si l'esprit une gamine de six ans s'était incarnée dans ce corps trop développé pour lui. Le tout formait un il-ne-savait-quoi à la fois bancal et adorable.
Les doigts du londonien avaient retrouvé leur vigueur. C'était comme si la voix de la brunette les avaient ranimé dans un instant d'agonie. Jude jouait, facilement, sentant les bonnes vieilles habitudes revenir. Ainsi ce n'avait été qu'un coup de fatigue. Logique, lorsque l'on connaissait ses multiples activités nocturnes, et ces heures de sommeil manqué qu'il cumulait désespérément. Cependant tout semblait aller mieux. Quelques accords, quelques paroles, et la boucle était bouclé. Il pouvait à nouveau tout oublier. Mais les secondes défilaient, et bientôt la chanson prit fin.
C'est à ce moment-là qu'il se rendit compte qu'il souriait, certainement avec un air stupide à souhait. Et qu'elle souriait aussi.
Judas ne savait comment rompre le silence, et à vrai dire, il n'en avait pas réellement envie. Il n'avait jamais joué avec quelqu'un d'autre, ni accompagné la voix de quelqu'un d'autre. Certes, il s'était déjà montré en train de jouer, il avait déjà partagé sa musique auparavant (qui à vrai dire, était la musique des autres). Cependant, il avait toujours eu comme habitude de se montrer en petit comité. Une ou deux personnes seulement. Et jamais on ne l'avait écouté aussi attentivement.
Jude ne savait pas qui cette fille était, mais elle savait apprécier la musique. Elle savait non seulement l'entendre, mais surtout l'écouter.
Et tout d'un coup, le silence fut rompu, tout aussi simplement que comme il avait été instauré.
« Tu joues plutôt bien ... Je m'appelle Bar ! »
L'inconnue était désormais connue. Judas posa sa guitare sur le sol, devant ses jambes, toujours en tailleur, et serra doucement la main qui lui était tendue.
« Judas. » dit-il, sans donner d'avantage d'informations.
Il ne releva pas lorsqu'elle lui dit qu'il jouait bien. Il n'avait jamais cru les gens qui lui avait un jour dit cela. Autodidacte, le jeune homme ne pensait même pas avoir suffisamment de travail et de talent pour se produire en public
« Et tu chantes plutôt bien. Même très bien. » ajouta le brun.
Il s'était rendu compte de sa maîtrise de la technique, même sans connaître grand chose au chant. Bar devait sans doute faire partie de la chorale du Majestic, ou du moins prendre des cours de chant. Mais à vrai dire peu importait à Judas. La jeune femme était douée, c'était évident, et c'était tout ce qu'il avait besoin de savoir.
« Hm, dis-moi … commença-t-il, hésitant. On m'entend depuis une longue distance quand je joue ici ? »
A vrai dire il n'avait à aucun moment envisagé cette possibilité, cependant si Bar l'avait entendue, d'autres aussi certainement. Il avait beau ne pas prêter attention au monde extérieur lorsqu'il était concentré sur quoi que ce soit, l'idée que quelqu'un l'ait entendu jouer le mettait mal à l'aise.