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o7 ♦ « reunion doesn't mean reconciliation »

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o7 ♦ « reunion doesn't mean reconciliation » _
MessageSujet: o7 ♦ « reunion doesn't mean reconciliation »   o7 ♦ « reunion doesn't mean reconciliation » Icon_minitimeVen 26 Aoû - 18:58

o7 ♦ « reunion doesn't mean reconciliation » E87kbd o7 ♦ « reunion doesn't mean reconciliation » Bdmn88 o7 ♦ « reunion doesn't mean reconciliation » Breakdown2
© psychotic prince, lonely angel, causticammo


« reunion doesn't mean reconciliation »



Judas avançait mécaniquement, posant ses pieds l'un devant l'autre à travers les dédales de cabines, comme mû par une autre volonté que la sienne. Il avait la sensation que son esprit s'était vidé. Simplement, d'un seul coup. Et qu'il n'avait rien pu faire pour retenir la moindre de ses pensées.
Cela faisait des heures qu'il arpentait le Royal Majestic dans l'espoir de découvrir une quelconque information concernant son frère: Matthew, celui pour qui il était monté à bord. Quoi qu'à vrai dire, si Jude avait décidé de s'installer pour une période indéterminée sur l'imposant bateau de croisière, ce n'était pas POUR son frère, mais A CAUSE de lui. Cela faisait des années qu'il n'avait plus de nouvelles de son aîné, des années qu'il avait appris à se passer de lui. Cependant aujourd'hui, il avait besoin de lui d'avantage que n'importe quel autre jour. Judas avait laissé leurs parents dans leur Londres natal alors qu'ils étaient dans une situation plus que critique, en espérant que Matt puisse les aider. Son frère avait beau avoir mal tourné à l'époque où il vivait encore dans la capitale britannique, l'adolescent savait qu'il était débrouillard. Et c'était le moment de mettre à profit cette débrouillardise légendaire pour sauver leur famille. Leur père venait de perdre son travail, et Jude était venu jusque sur le Majestic dans l'espoir d'obtenir une quelconque aide financière de la part de son junkie d'aîné. Bien entendu, ce dernier avait quatre vingt dix pour cent de chances de refuser et d'envoyer bouler son frère avec sa délicatesse habituelle. Mais qui ne tente rien n'a rien, cela est bien connu, et le benjamin Balsey avait prit son courage à deux mains et s'était lancé dans cette aventure illogique de demander secours à Matt.
En demandant aux gens qu'il avait croisé tout l'après-midi, Judas avait fini par apprendre qu'un dénommé Buck Balsey vivait bel et bien à bord, cependant, personne ne semblait avoir entendu parler d'un certain Matthew Balsey. Manque de chance, l'adolescent n'avait jamais connu le second prénom de son aîné, cependant, après réflexion, il avait décidé de partir à la recherche de ce fameux Buck. On lui avait dit qu'il sortait avec une fille, Nirvana. Inutile donc de préciser que Jude était persuadé que le type en question portait le même nom de famille que lui par pure coïncidence. Matt avait plutôt un harem qu'une copine attitrée.
Malgré ce peu de convictions, le londonien ne pouvait empêcher son estomac de se nouer douloureusement. Son désert psychologique passager avait été suivi par une foule de questions diverses et variées qui le harcelaient désormais. Était-ce Matt ? Qu'allait-il faire si c'était le cas ? Et si ce n'était pas le cas ? Comment allait-il lui demander de l'argent ? Et si jamais il lui demandait alors que ce n'était pas lui ? Comment sortir d'une situation de ce genre ? Et si seule la fille était présente dans la cabine et que son frère (ou celui qui n'était pas son frère) n'était pas là ? Comment l'aborder ? Et ..?
Autrement dit, Judas avait la sensation que des milliards d'insectes bourdonnaient dans ses tempes. Sa boule au ventre le faisait souffrir, ses jambes tremblaient sous son propre poids, et il commença à mordre sa lèvre inférieure nerveusement. Il n'avait jamais été autant stressé de toute sa vie. Quiconque l'aurait croisé l'aurait pris pour un illuminé arrivé ici par mégarde. Mais bien heureusement, personne n'était à l'horizon. Tous les passagers vaquaient sans doute à leurs occupations et profitaient de leurs vacances.
On lui avait dit que s'il voulait voir Buck, il devrait jeter un œil du côté de la suite de Nirvana Prescott. Jude s'arrêtait donc devant chaque porte pour avoir le temps de lire les noms trônant sur celles-ci. Sa dyslexie si prononcée était plus handicapante que jamais dans un instant pareil. Alors qu'il aurait voulu parcourir le couloir en courant afin de pouvoir relâcher la pression le plus rapidement possible, il était forcé de se stopper tous les cinq mètres et de s'y reprendre à deux fois (le stress n'aidant pas sa lecture déjà difficile) afin de ne pas rater la bonne porte. Une fois de plus, il se maudit, et maudit cette part de lui-même qu'il haïssait.
Enfin, il lui sembla déchiffrer le bon nom. Son cœur loupa un battement, et l'adolescent recommença afin d'être certain qu'il ne s'était pas trompé. Nirvana T. Prescott. La bonne cabine. L'instant fatidique.
C'était comme si plus rien n'existait que cette porte et lui-même. Il frémit de haut en bas, ne sachant quelle attitude adopter. Blanc comme un linge et retenant sa respiration, Judas leva lentement sa main au bout d'une minute statique avant de frapper doucement contre la porte de bois.
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Nirvana T. Prescott
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enjoy the silence

Nirvana T. Prescott

✔ PRÉNOM : clémence
★ AVATAR : kristen stewart
© CRÉDIT : kaleiiiigh, psychdelia*child & lj
✔ MISSIVES : 5361
✔ ARRIVÉE : 28/07/2010
✔ BOULOT : loin de cette société de consommation
✔ CITATION : your head will collapse, but there's nothing in it, and you'll ask yourself ; where is my mind ?
✔ PRINTEMPS : 20 ans
✔ STATUT : passion destructrice pour Buck
✔ RÉPUTATION : 5
✔ JUKEBOX : ina ich - âme armée
✔ COMPTES : alaska h. young & majestic-orphély a. kostas-kane

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o7 ♦ « reunion doesn't mean reconciliation » _
MessageSujet: Re: o7 ♦ « reunion doesn't mean reconciliation »   o7 ♦ « reunion doesn't mean reconciliation » Icon_minitimeMer 31 Aoû - 21:35

o7 ♦ « reunion doesn't mean reconciliation » Tumblr_lpdmtl8mGT1qblrrbo1_500
Don't expect me to cry for all the reasons you had to die. Don't ever ask your love of me. Don't expect me to cry. Don't expect me to lie. Don't expect me to die for thee. Jesus don't want me for a sunbeam. 'Cause sunbeams are not made like me.

Nirvana ne se départissait plus de son regard équivoque, affichant une triste tendresse submergée par la lassitude. Ses cernes violacées, plus marquées que d'ordinaire, confirmaient sa fatigue et son désarroi. Elle ne dormait guère plus qu'avant, ses nuits étant inlassablement secouées de pleurs, des mêmes interrogations languissantes. Mais lorsqu'elle fermait enfin les yeux, bercée par une paume chaude et rassurante contre sa hanche, secouée de tremblements incertains, et la respiration régulière du fruit de ses entrailles blotti contre son sein, lorsqu'elle fermait enfin les yeux ; elle reposait, un souris contrit et béni aux lèvres. Ce rythme cavalier, épuisant, avait eu raison de ses peurs ; elle n'avait plus le temps de les ressasser. Et lorsqu'au fruit d'une seconde de répit, malheureux hasard du temps, elle se prenait à détruire ce qu'elle avait aujourd'hui pour ses utopies passées, il savait la ramener à lui. Buck. Il lisait la frayeur dilater ses iris olives, refroidir ses bras blancs, et il lui administrait fermement ce remède dont lui seul avait le don, d'un regard d'acier, ce regard gris qui l'avait perdue. Il l'amenait de force dans des bras, la sentant alors au bord du gouffre, et la serrait, serrait, murmurant qu'ils allaient y arriver sur le lobe de son oreille. Alors elle se laissait fondre dans son étreinte, se consumant à feu doux à l'aune de ses inquiétudes, savourant le fait de pouvoir enfin s'attacher, de laisser ses mains courir contre un dos solide et de s'y agripper fermement. Elle ne se le serait jamais permis, avant. Avant que son monde ne bascule pour celui, flou et opaque, d'une inconnue. Avant que son ventre ne s'arrondisse sous les caresses avides de ses mains, différentes aujourd'hui. Elle n'en revenait pas. Ses certitudes s'étaient écroulées sous les cris de douleur et de hargne, ses rêves chassés par l'arrivée massive et impromptue de responsabilités tout sauf désirées. Si seulement...

Elle émergea en sursaut de ce semblant de réalité, trop doux, trop âpre, pour la consoler vraiment. En état de choc, pleine d'appréhension, espérant n'avoir que rêvé ces affabulations. Le sanglot résonna comme le glas d'une condamnation ; mère. Refrénant des larmes de rage, elle s'empressa de rassurer, en un geste mécanique usuel et rompue par l'habitude, le nourrisson à ses côtés autant qu'elle-même, et réprima un troisième hurlement en sentant les doigts Buck s'attarder près de sa cuisse nue. Elle n'avait rien rêvé. L'angoisse montait et obstruait sa gorge. Elle quitta maladroitement le lit, de ses mouvements précipités par ses affres, veillant néanmoins à ne pas réveiller le père et la fille. Son regard fuyait, anxieux, les draps de cette première fois où reposait désormais son œuvre satanique. Elle se raisonna, s'appliquant à respirer calmement. Elle avait dépensés, usés, consommés, les neuf mois où il lui était encore permis de se laisser dépérir. Elle laissa son regard épouser l'immense pièce démesurée, et s'efforça de réguler les battements de son cœur meurtri.  Les hublots n'étaient plus condamnés, contrairement à son existence insignifiante, ils laissaient librement entrer la lumière dorée de cette nouvelle vie, maudite dès son fébrile commencement. La pièce avait sensiblement changé ; elle était désormais jonchée de vêtements masculins laissés là, froissés, à même la moquette, et de divers fournitures pour bébé. Un cendrier où s'entassaient les mégots consumés trônait sur une table, couverte de biberons tristement vides et abandonnés et de traînées blanches, sinistres et significatives. Nirvana n'y aurait jamais reconnu la suite lugubre, plongée dans cette semie-obscurité putride où elle ne quittait les draps raidis par la crasse et le sel. Oui, elle avait changé. Mais elle n'aurait su dire si ç'avait été bénéfique.

Appuyée contre le mur blanchi à la chaux, elle sursauta, prise de cette frayeur caractéristique, quand quelques coups légers virent frapper la porte. C'étaient des coups timides, angoissés, elle pouvait le sentir. Jules, sans doute aucun. Son cœur s'emballa - elle n'était pas prête. Ceci était loin d'être la première fois que quelqu'un, qui se disait ami proche, venait troubler leur étrange quiétude, retirée de ce monde déjà marginal, mais elle n'appréciait pas. Il était tellement plus simple de s'adapter à la chaleur de Buck et Liberty dans cette enfilade de pièces luxueuses, tellement plus simple d'oublier qu'il y avait une jungle affamée derrière une faible cloison de bois, prête à tout pour briser cette intimité gênante. Elle ne voulait voir personne. Elle préférait cette vie provisoire d'ermite, à ne faire que s'occuper d'un nourrisson exigeant et se reposer dans les bras musculeux de celui qui l'avait perdue. C'était une routine moins destructrice, moins passionnée, que tout ce qu'elle avait vécu jusqu'alors. Elle se laissait prendre prisonnière à sa routine vaseuse, et n'attendait aucun bras aidant. Mais elle prit la peine de se déplacer péniblement vers la porte de bois épais, par une habitude difficile à perdre, et ouvrit. Qui s'embarrasserait de remarquer qu'elle ne portait que des sous-vêtements sobres sous une chemise appartenant à Buck, tous boutons ouverts ? Jules ne le ferait pas. Alors elle ouvrit, creusa un trou noir dans son monde fermé dans lequel le lapin blanc allait traîner ses comparses. Et elle resta coite. Elle s'efforça de ne pas détailler, de suite, le jeune homme qui frappait à sa porte. Il avait les yeux fixés sur la plaquette indiquant son nom. Nirvana prit peur. Un des sombres fanatiques de sa mère, encore une fois ? Mais elle sentait autre chose, une réelle angoisse, une crainte palpable. Électrique. Elle l'apostropha de sa voix rauque, brisée, faible et inquisitrice. Elle n'était pas curieuse, qu'il lui réponde ou fuit en courant ne l'importait guère. Elle se devait simplement de le savoir, comme un nom important, à ne pas oublier, malgré sa haine convaincue des patronymes. Il respirait l'appréhension.

    « Who are you ? What do you want ? »
    « Qui es-tu ? Qu'est-ce que tu veux ? »


C'était son habituel murmure éthéré. Mais cette fois, il prenait un véritable intérêt. Cette fois, elle attendait une réponse.
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o7 ♦ « reunion doesn't mean reconciliation » _
MessageSujet: Re: o7 ♦ « reunion doesn't mean reconciliation »   o7 ♦ « reunion doesn't mean reconciliation » Icon_minitimeSam 10 Sep - 11:07


« he was the king of my heart, he is the king of nothing. »
ϟ nirvana, buck & judas


Judas était tétanisé. Il ne sentait plus la moindre partie de son corps réagir, immobilisé par cette terreur infâme qui avait succédé à un stress sans précédent. Toutes ses émotions trop puissantes pour lui le faisaient chanceler. Il n'était qu'un fétu de paille ballotté par une vie trop houleuse. Les hauts et les bas se succédaient inlassablement, les derniers durant généralement beaucoup plus longtemps que les premiers. Mais cette fois-ci il était incapable de déterminer s'il s'agissait d'un haut ou d'un bas. Il était épuisé de penser. Épuisé d'avoir peur. Alors, tandis que la porte de la cabine d'une certaine Nirvana Prescott s'ouvrait lentement, il se jetait dans la gueule du loup, de manière peut-être inconsciente, mais libératrice. Plus que quelques instant et il serait enfin fixé, il serait enfin libre. Et la tension retomberait.
Une jeune femme ouvrit la porte, les traits tirés. Sans doute la maîtresse des lieux. Jude avait songé à tout faire le plus rapidement possible, à demander immédiatement si Buck était là, à déterminer d'un coup s'il s'agissait de son frère, et si tel n'était pas le cas, à se barrer en bonne et due forme le plus loin possible de ce bateau. Mais il ne parvenait pas à ouvrir la bouche. Et pour cause, cette fille était bouleversante. Un je-ne-sais-quoi dans sa personne vous prenait aux tripes. Nirvana Prescott semblait une héroïne tragique des temps modernes. Sa destinée semblait la guetter, mais c'était comme si elle se préparait à lui cracher à la face en riant jaune. Un personnage sombre, mais un personnage complexe, cela sautait aux yeux. Et tout à son analyse de celle qui lui faisait face, le benjamin Balsey en oublia même, durant un instant, ce pourquoi il était venu.
La question de la brune lui remit les idées en place. Il n'était pas en ces lieux pour faire une analyse psychologique de son interlocutrice, même si cela apparaissait pour le moins fascinant. Il était là pour ce Buck, pour son Matthew.
Judas ouvrit la bouche, mais aucun mot ne parvint à franchir la barrière de ses lèvres. Il ne savait pas quoi dire, ou du moins, il ne savait pas comment le dire.
Sa bouche était sèche, et c'est avec bien des difficultés qu'il parvint finalement à prononcer d'une voix basse, comme s'il n'osait pas lever le ton:
« Bon .. Bonjour. Je m'appelle Judas Balsey et ... »
Et je suis là pour voir si un inconnu est bel et bien mon frère ? Cela faisait psychopathe, il n'y avait pas à dire. Et Jude savait que les gens accordaient énormément d'importance aux premières apparences. Autrement dit, avec Nirvana, tout était foutu. Elle devait déjà le prendre pour un gamin pathétique et elle l'éconduirait certainement d'ici peu, sans même avoir voulu entendre ce qu'il avait à dire. Autant se jeter à l'eau.
« J'ai entendu dire sur le bateau que tu sortais avec un certain Buck. Buck Balsey. Et je pense que ce type pourrait être mon frère. S'il est là, est-ce que je pourrais le voir ? »
Il avait balancé sa phrase d'une traite, sans réfléchir. Il avait déjà beaucoup trop réfléchi. Judas avait la désagréable sensation de s'infiltrer dans la vie d'autrui, avec un irrespect certain. Mais peu importait. Il n'avait pas fait tout ce trajet pour rester dans le doute plus longtemps.
Il fallait juste espérer que la demoiselle Prescott ne l'envoie pas valser en bonne et due forme. Et au premier abord, elle avait l'air fort peu patiente, et, qui plus est, dérangée par l'arrivée intempestive du jeune homme.
Les dés étaient jetés, et désormais ils n'étaient plus dans les mains du londonien.
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Nirvana T. Prescott
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Nirvana T. Prescott

✔ PRÉNOM : clémence
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✔ ARRIVÉE : 28/07/2010
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✔ PRINTEMPS : 20 ans
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o7 ♦ « reunion doesn't mean reconciliation » _
MessageSujet: Re: o7 ♦ « reunion doesn't mean reconciliation »   o7 ♦ « reunion doesn't mean reconciliation » Icon_minitimeMer 5 Oct - 20:19

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we won't run, we can fight

ALL THAT KEEPS US AT NIGHT


Ses traits étaient tirés, fatigués. Il arborait les mêmes cernes violacées que Nirvana, qui creusaient son visage encore enfantin, marqué par la douleur. Il était pâle, les joues rosies par l'angoisse et un soleil nouveau. Il semblait avoir trop vécu. Déjà. Ses yeux reflétaient des années trop responsables, une enfance tristement grise, un âge adulte prématuré. C'était un gosse, un simple gosse. Qui hurlait silencieusement au monde la douleur qu'il gardait précieusement interne. Nirvana connaissait ce sentiment, pour l'avoir vécu toute sa courte vie durant, et plus encore ces derniers mois de calvaire. Et elle en voulait à cet inconnu de s'imposer avec un tel lot de souvenirs qu'elle aurait préféré enfouir, alors qu'elle tentait vainement de se reconstruire. Aller de l'avant. Vivre. C'est ce qu'ils disaient tous. Mais que connaissaient-il au fait de vivre, quand ils n'avaient pas connu la mort ? Ce gamin, lui, au regard terrorisé, savait. Il savait par quoi il fallait passer pour apprécier tout moment dit de paix. Puisqu'il renaissait tout juste. Et cela se lisait, bien trop facilement pour Nirvana, qui aurait aimé s'en cacher encore longtemps. Elle avait endormi sa douleur avec des illusions de bonheur factice, s'était protégée d'une épaisse couche de morphine utopique qui s'effritait, devant ce jeune homme inconnu qui frappait simplement à sa porte. Il était comme elle ; un amas de rêves brisés et salement entassé là, à se putréfier. Cette empathie engendrait une certaine compassion, que l'on aurait pu qualifier de positive. Mais la notion vaine d'amitié ou même d'attachement avait perdu le peu de sens qu'elle avait encore aux yeux de Nirvana ; réellement, elle ne voulait plus voir personne. Quitte à s'enfoncer dans cette routine malpropre, quitte à mourir sans avoir vécu. Elle prévenait ainsi la douleur. Et celui-là ne faisait pas exception, malgré les similitudes évidentes qu'il pouvait arborer. Et des bégaiements ne présageaient peut-être rien d'autre qu'un simple et stupide admirateur de sa mère, Maman qui n'avait pas daigné venir. Elle se concentra à nouveau sur le jeune homme ; penser à sa mère était la dernière chose dont elle avait besoin. Et lui, il en était l'exact opposé. Sa peau pâle et fatiguée, à l'aune de celle de Nirvana, son regard usé. le reste n'était que physionomie inutile qu'elle n'était pas du genre à détailler. Elle s'attardait sur ces détails invisibles aux yeux des lambdas, qui faisaient la différence.

    « Bon .. Bonjour. Je m'appelle Judas Balsey et ... »


Il avait une voix égale, ni franchement particulière, ni commune. Un peu bègue. Une voix d'enfant, un ton d'adulte. Mais il avait surtout un accent anglais prononcé, unique, que Nirvana reconnaissait sans peine. Après tout, c'était celui de la seule voix qu'elle désirait encore entendre. Cet accent rond, prétentieux et originel, banalisé par ces intonations de peur et de bassesse sociale. Et puis... Il y avait le nom. Balsey. Le nom de Buck. Le nom de sa fille. Il était commun, certes. Mais quel était le pourcentage de chances que deux Balsey frappent à sa porte ? Deux anglais. Aux traits si similaires. Aux regards si différents. Cela ne faisait aucun doute. Le regard froid et vide de Nirvana se bouscula un instant, et reprit cet éclat vert qu'il avait perdu depuis longtemps ; frères ? Oui, bien sûr. Bien sûr que c'était possible. Lui avait-il une fois, ne serait-ce qu'une fois, parlé de sa famille ? Non. Autant qu'elle l'avait fait. Avaient-ils seulement parlé, une fois, à cœur ouvert, de leur vies ? De leurs vies d'avant ? Avant de se rencontrer, et de bouleverser toute routine et espoir d'avenir. Alors, il n'était pas étonnant de rencontrer une telle ressemblance en un inconnu. Alors, il était presque naturel que celui-ci vienne frapper à sa porte. Mais savait-il ? S'attendait-il, au moins, à trouver un frère dans cette situation ? Père ? Non. Et Nirvana ne savait pas. Elle le sentait.

    « J'ai entendu dire sur le bateau que tu sortais avec un certain Buck. Buck Balsey. Et je pense que ce type pourrait être mon frère. S'il est là, est-ce que je pourrais le voir ? »


Nirvana en aurait sourit, si ses pommettes s'en sentaient encore capable. Au lieu de quoi, elle soupira longuement, discrètement. Elle pensait que la situation ne bougerait plus, enfin fixée sur cet espace temps fade, routinier. Apaisant, mais si tristement éloigné de ses idéaux. Et puis voilà que le frère de son amant, maudit et destructeur, se présentait. Ça ne faisait aucun doute. Nirvana fut encore une fois étonnée de ses capacités instinctives, elle qui était si peu humaine. Puis il lui vint à l'esprit que cette situation n'allait pas l'arranger. Hormis cette analyse succincte, elle ne savait rien de ce Judas. Quel genre de frère pouvait-il être ? Plus que tour, que faisait-il ici ? Le détachement de Nirvana s'arrêtait ici, où sa propre santé mentale tout juste recouvrée était mise en danger. C'était cette minutée stabilité dont elle avait besoin. Ce frère, aux allures misérables mais décidées, qu'allait-il en faire, de cette constance si peu équilibrée ? Et elle ne pourrait l'empêcher de la faire voler en éclats, car c'était au fond ce qu'il était devenu indispensable de faire, avant qu'elle ne sombre sous les poignées de la terre grise que cette routine reculée lui jetait au visage. Elle savait que ce bien-être n'était que façade, elle se cachait derrière en attendant une fin lente et hypothétique. Judas. C'était un nom de criminel, de traître. Qu'allait-il lui faire ? Ce serait un meurtre, mais il n'y aurait pas de sang. Elle allait devoir vivre, encore.

Puis elle prêta attention aux paroles de Judas. Sortait. Elle sortait avec Buck. Elle haïssait ces expressions futiles, et si éloignées de la réalité qui les rapprochait, elle et Buck. Il était le père de son enfant, le maître de son unique nuit. Elle n'aurait su exprimer tendresse ou haine envers lui ; il était son tout, ce qui l'éloignait et l'unissait à son unique aspiration. Et s'il était là ? Oui, oh oui. Quelle question. Sans lui, elle serait partie. Si elle était là, il était avec elle. Pour toujours. Mais c'était ce que Judas ne pouvait pas savoir. Alors oui, elle sortait avec Buck. Et oui, il pouvait le voir. Et après ? Que deviendrait-elle, elle, secouée par l'arrivée d'une possible famille ? Mère. Liberty était la nièce de ce frère. Judas en était alors possiblement l'oncle. C'était une de ce réalités qu'elle ne pouvait affronter, qu'elle ne supportait plus. Neuf mois auparavant, elle préparait sa fuite. Et maintenant, elle planifiait sa mort. Elle n'osait pas lui répondre, inconsciente de la précieuse minute qui s'était écoulée pour Judas. Ce silence pesant, qu'elle était seule à apprécier. Elle n'entendait pas les battements frénétiques de son cœur, rudement mis à l'épreuve. Comme elle ne percevait pas son souffle court et angoissé. Ses yeux olives étaient de nouveau ternes, et perdus dans ce monde gris qui était devenu son seul quotidien. Elle se reprit à temps. Soupira gravement à nouveau. La vie ne l'épargnait pas.

    « Come in. Don't... Scream, or anything. OK ? »
    « Entre. Ne.. Crie pas, ou rien. OK ? »


Réveiller Liberty était la dernière chose dont elle avait besoin. Sa voix était rauque, usée, inchangée. Mais elle avait cette nuance d'incompréhension et de peur ; Judas sentait le changement. Elle ne pouvait s'empêcher de lui en vouloir, de venir bouleverser le peu d'ordre instauré ainsi sans prévenir. Oui, elle avait peur. Peur de revivre ces neuf mois de véritable torture, où la vie l'avait véritablement quittée, où chaque pas, chaque inspiration, demandait un effort titanesque. Et elle en avait fait, des efforts. Un travail de Titan, d'Hercule. En vain ? C'était à Judas de le dire. Sa vie n'était qu'une succession de riens, de tentatives vaines, quoiqu'il en soit. Buck excepté. Elle l'invita à sa suite à franchir la porte, ignorant une fois encore son corps uniquement vêtu de sous-vêtements et d'une chemise, appartenant à Buck, déboutonnée. Quelle importance ? Il avait pu la lire, réellement, déchiffrer le vert passé de ses yeux. Pourquoi s'embarrasser ? Ce qui la gênait le plus, c'était cette enfilade de pièces luxueuses, jonchées de preuves accablantes de cette nouvelle vie. Des couches, des cendres, des bouteilles, des biberons. Elle en avait honte. Elle s'approcha doucement de Buck, affalé et profondément endormi sur l'immense lit, aux côtés de sa fille. Sa fille. Nirvana avait encore du mal à le dire. Puis, d'un geste tendre et intime qu'elle ne se connaissait pas, elle pressa sa main - passant par sa hanche - et murmura son prénom, d'une voix qui laissait percer des accents inquiets. 

Elle attendit, s'assit sur le bord des draps, surveillant Liberty d'un œil. C'était entre eux deux, désormais.
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