Après s'être étirée, la jeune femme remit pied à terre, déroulant ses chevilles à chaque pas. Elle s'entraîna à un dernier pas de bourré en arrière par pur plaisir, avant de rejoindre les vestiaires tout en s'adressant à sa camarade « Je passe à la douche, je n'arrive même plus à tenir correctement sur mes pointes » Elle avait fini son service quelques heures auparavant et avait aussitôt repris son entraînement. L'escale à New-York lui permettait d'avoir plus de temps libre entre les différents services, les passagers préférant l'air pollué de la grande pomme que le restaurant huppé où elle travaillait. Elle-même s'était laissée tenter par le plaisir de vagabonder ici et là parmi les diverses boutiques de luxe qu'offrait la grande ville. Néanmoins, elle retrouvait vite refuge dans cette grande salle. Le monde extérieur ne lui avait réservé que de mauvaises surprises qu'elle préférait fuir. Sur ce paquebot, elle avait accès à toutes sortes de boutiques et de services en tout genre. Elle s'était vite rendue compte qu'au final sa mère lui avait réellement donné une seconde chance. Pas une chance de se racheter, sa conduite n'était en rien à racheter, mais une chance de repartir de zéro. Certains points noirs barraient son horizon, mais Océalys arrivait facilement à les écarter d'un geste de la main, ne s'en préoccupant guère. Ici, la vie n'était pas plus simple qu'à l'extérieur bien au contraire. Sa colocation quelque peu forcée tournait au cauchemar, sa voisine de lit étant tout son opposé. Ayant retrouvé une vie facile, Océalys avait repris goût à l'oisiveté d'une vie sans problème. Elle n'avait plus à se demander comment elle allait payer sa chambre, ni avec quoi elle pourrait s'acheter un nouveau manteau pour l'hiver. Ce genre de problème s'était évanoui dans la nature. Elle avait retrouvé la flamme d'antan. Cette flamme qui l'avait poussé à quitter très tôt la maison familiale pour suivre un cursus impitoyable. Flamme qui l'avait quitté deux années plus tôt. Mais ici elle avait retrouvé les sensations qui la faisaient tant frissonner avant. Elle se sentait quelque peu rouillée au début mais elle avait réappris chaque pas. Arrivée aux vestiaires, Océalys attrapa sa serviette avant de défaire son justaucorps noir. Elle dénoua ses ballerines et laissa ses pieds retrouver leur liberté. Le travail en lui-même sur le paquebot n'était pas éreintant, mais la masse de travail supplémentaire qu'elle s'administrait, la laissait , à la fin de la journée, totalement épuisée. Dans un claquement sec d'élastique, la jeune américaine laissa ses cheveux s'échapper de son chignon. Elle passa sous la douche chaude, laissant ses muscles se détendre. Chaque soir elle recouvrait sa peau nue d'huiles essentielles afin de relaxer chaque parcelle de son corps. Les débuts avaient été rudes. Elle s'était foulée plusieurs fois la cheville, ce qui n'était guère aisé pour le service, mais elle savait que c'était les risques de sa passion. Elle ne pouvait s'arrêter à ce genre de détails. Tant qu'elle ne se brisait ou cassait aucun os elle pouvait continuer. Elle avait également peur des déchirures musculaires qui pouvaient réellement poser problème. Sortant de la douche, elle s'enroula dans sa serviette moelleuse et s'assit à côté de son amie. « Tu fais un truc demain ? Je pensais faire un petit tour à New-York, entre mes deux services, on pourrait y aller ensemble, sauf si tu bosses.... » Elle enroula une serviette sur ses cheveux et se rhabilla, passant une fine robe près du corps, couleur marron glacé. Océalys jeta un coup d'oeil satisfait dans un des miroirs avant de tourner de nouveau son attention vers Jules. Elle aimait bien passer du temps avec la lycéenne, bien qu'elle soit bien plus jeune qu'elle et parfois moins mature. Mais elle avait envie de lui faire partager la joie d'avoir de nouveau de l'argent, de pouvoir en profiter. Elle se rappelait qu'à cet âge, elle n'était qu'une enfant qui bossait avec volonté et qui ne connaissait pas la dureté de la vie. Elle avait toujours eu ce qu'elle voulait et même son plus grand rêve était en train de se réaliser. Avant qu'elle ne gâche tout. « Au fait, tu as des nouvelles d'Isobel ? On m'a dit qu'elle était partie avec un anglais, rencontré sur le paquebot, mais elle ne nous en avait jamais parlé ! Enfin, elle ne s'était jamais confiée à moi... » Ce qui n'était pas plus mal, la dite Isobel avait une cervelle de moineau mais dansait remarquablement bien. Si elle gâchait sa carrière artistique en partant vivre une amourette avec un anglais, grand bien lui fasse. Il était rare que Océalys confie ce genre de pensée aux autres habitants de ce paquebot, mais elle n'en pensait pas moins sur une bonne partie d'entre eux. A vingt ans, elle méprisait déjà une bonne majorité de son entourage. L'hypocrisie, les faux sourires et les courbettes l'usaient, mais elle ne pouvait pas faire autrement. Elle venait d'une famille qui lui avait inculqué la politesse, les bonnes manières et elle ne pouvait pas faire du tort à cette éducation. Elle n'avait jamais fait partie de la populace, et avait appris au fil des années à rester muette sur ce genre de détails.