« bad bad teacher. »
ϟ bartholome & luca.

Luca haïssait les bibliothèques. Cela lui rappelait bien trop la maison de son enfance, à Rome, dans laquelle son père avait une bibliothèque personnelle où il aimait travailler. Lorsqu'il avait appris à lire, son père le faisait venir avec lui au milieu de cette multitude de livres et lui faisait passer des après-midi entiers assis à ses côtés à parcourir des yeux des ouvrages totalement inintéressant pour un petit garçon de six ans. Certes, papa Belgioso pouvait ensuite se vanter devant ses amis si cultivés que son fils avait lu Leopardi ou Boccace, et qu'il lui avait transmis la Grande Culture Italienne. Mais le petit garçon n'en avait que faire à l'époque de ces œuvres bien trop complexes pour lui et desquelles il n'avait pas saisi le moindre mot. Il s'était juré à cet instant là de son existence de ne plus jamais entrer dans une bibliothèque par obligation, mais par choix. Et c'était ce qu'il faisait en cette après-midi, aussi étonnant que cela puisse paraître.
Il avait décidé d'être utile à quelqu'un. Oui, vous avez bien lu, le Belgioso semblait devenir serviable. Mais lorsque vous comprendrez sa logique malsaine, vous apprendrez qu'on ne change pas un personnage aussi ignominieux.
Luca, en parcourant les couloirs au hasard pour éviter d'aller repasser des draps, était tombé sur une petite annonce près de l'université. Visiblement quelqu'un recherchait des gens sachant parfaitement parler différentes langues, dont l'italien, afin de prendre des cours soutenus. L'esprit machiavélique du bellâtre avait immédiatement associé ces quelques mots au portrait idéal d'une charmante petite étudiante imaginaire aux mœurs légères. Et il espérait bien être payé en nature pour ses services.
Alors il avait répondu à l'annonce, de la manière la plus charmante possible, en donnant rendez-vous à la mystérieuse inconnue (ou au mystérieux inconnu à vrai dire) ici, dans cette ignoble bibliothèque. Car il fallait malgré tout que cela reste crédible.
L'endroit était vide. Visiblement, personne ne faisait la queue pour s'instruire, et Luca trouvait que c'était quelque chose de triste en fin de compte. Mais il balaya cette pensée de son esprit. Au fond, à partir du moment où l'on était un minimum habile de ses mots, à quoi bon se cultiver ? Il en était l'exemple parfait. Il savait charmer qui passait à ses côtés, et cela lui suffisait amplement pour être heureux. Enfin, heureux, c'était un bien grand mot …
Le Belgioso parcourut à nouveau la pièce du regard. Il n'y avait même pas de bibliothécaire. Tant mieux, il pouvait donc se laisser aller. Le jeune homme s'approcha d'une des grandes fenêtres et l'ouvrit, avant de se pencher par dessus le rebord, portant une cigarette à ses lèvres. C'était interdit, il en était parfaitement conscient, mais le danger a cela d'excitant. Son élève râlerait peut-être, mais peu lui importait. Le brun alluma sa clope, regardant la mer à l'horizon. Au final, ce rafiot n'était pas aussi désagréable que ce qu'il avait pu penser …
Une porte s'ouvrit, il fit volte face, comme pris en flagrant délit. Il ne voyait pas encore la personne qui venait d'entrer, qui était à ce moment précis derrière les rayonnages. Mieux valait éviter qu'il se fasse engueuler, tout l'équipage semblant s'être fait passer le mot pour lui reprocher ses frasques. Alors il prit les devants, quitte à se faire remonter les bretelles, et lança, d'un ton guilleret, un simple:
« Bonjour ! Qui est là ? »

" Bad bad teacher "
Lucas & Bartholomé

Ma boîte crânienne me jouait des tours. Un mal de crâne atroce venait de surgir. J'avais passé une très mauvaise nuit. Le vacarme incessant de ces petits bourgeois non respectueux commençait sérieusement à m'agacer. Irrespectueux, et sans aucun doute gâtés jusqu'à la moelle par leurs parents, ces gosses de riches avaient passés la nuit dans les couloirs à chanter à tout va et à hurler des insanités presque déplorables. J'admettais qu'un homme de ma condition devait plutôt sortir s'amuser, au lieu de rester enfermer sans cesse dans sa cabine comme un rat mort. Mais ces derniers temps, j'étais si lasse de ces dîners pitoyables, annonçant fièrement leurs fortunes et leurs déboires. Ma mère était ravis de leur compagnie, pas moi en tous les cas. Je rêvais tellement de quelques minutes de liberté afin de respirer pleinement. Je me levais dignement, malgré ces maux de tête atroces. J'avais un cours aujourd'hui. Du moins rendez-vous à la bibliothèque. J'avais passer une annonce, afin de pouvoir apprendre d'avantage l'italien pour mon métier futur. J'avais été ravis de constater que sur ce bateau, certaines personnes pouvaient se montrer garante et serviable et sans doute avec une infime patience pour m'apprendre l'italien. Seulement, avec ce mal de crâne j'allais devoir lutter. Lutter si fortement que je m'en mordait déjà les doigts. Je n'avais aucune idée par ailleurs du portrait de cette personne, mais à vrai dire cela m'était égal. Elle avait répondue positivement à mon annonce, et cela me suffisait amplement. Une douche rapide semblait parfaite, je n'allais pas au Gala de la Reine d'Angleterre. J'enfilais habilement un tee-shirt blanc puis un Jean avant de filer rapidement vers la bibliothèque avec un simple cahier. L'endroit idéal pour un calme absolu. C'est dans ces moments là que je pouvais respirer dignement avec béatitude. Je rentrais en refermant doucement la porte derrière moi. Il me semblait bien que l'endroit était complètement vide. Ce qui était hélas bien dommage. La culture était importante de nos jours, et passer mes heures au milieu de divers livres m'enchantait. Étrange sans doute pour un homme comme moi, mais il me fallait bien quelques passions pour compléter ma triste existence. Je parcourais donc les longues rangées de livres, les yeux hagards et avides de connaissance. Il m'avait bien semblé apercevoir un légère silhouette vers le fond de la salle. C'était sans nulle doute cette généreuse personne qui m'avait si gentiment répondu. La pas plutôt pressé, j'accélérais la cadence vers le fond de la salle, afin de me présenter comme il se devait. Soudain, je fus un peu hésitant, face à la carrure pour le moins exceptionnelle de cette individu. C'était un homme. Complexé, peut-être pas mais je ressemblais à un asticot des bois face à lui. Il fumait tranquillement une cigarette, ne perturbant nullement la tranquillité de ce lieu. J'avais moi même peur de bouleverser ce silence, et de déstabiliser mon nouveau professeur. Il se retourna de lui même avec un ton allègre, et un léger sourire aux lèvres. " Bonjour ! Qui est là ? " Je n'avais pas l'audace de répondre aussi habillement que lui, mais je fus pris au dépourvu. En relevant docilement la tête vers son visage, j'adressais d'un murmure presque inaudible. " Bonjour...Excusez moi de vous dérangez, mais êtes vous le professeur qui doit m'apprendre l'italien ? " Péniblement, je ravalais ma salive. A vrai dire, je trouvais cet homme si imposant. Ceci n'était pas du tout négatif, mais je n'avais guère pour habitude de côtoyer les hommes dans son envergure. Cela pouvait vous voulez grotesque, mais les hommes que j'avais l'habitude de fréquenter, paraissaient pitoyables, déloyales. Ils étaient tous dingues de leurs fortunes, quand à leurs épouses elles passaient en deuxième position. Je ne voulais pas de vie aussi minable. Bref, je divaguais fortement dans mes pensées, un peu de concentration était la bienvenue en l'occurrence.