Cela faisait maintenant trois bonnes heures que j’étais debout alors que les trois quart du navire dormait à poing fermé. Alors autant tourner mille et une fois dans mon lit, je m’étais levé et j’avais allumé mon ordinateur portable. Où j’allais, il allait. C’était le seul moyen que j’avais pour pouvoir être contacté avec ma rédactrice en chef et pouvoir écrire mes articles. En me voyant, on pourrait totalement se dire que je suis une mordue du travail et que j’y passe tout mon temps. Et bien, oui, c’est le cas. Je suis dépendante de mon travail parce que c’est la seule chose que je sais faire et que de toute façon, je n’ai rien d’autre dans la vie, rien d’autre de plus intéressant à faire. Cependant, il y a quelques mois, j’avais réussi à faire disparaître pratiquement cette dépendance au travail. Je pensais à d’autre chose. J’étais totalement et éperdument amoureuse. Je pensais à notre avenir ensemble, à nos ambitions de mariage et d’enfants. Il était tout pour moi et bien plus important que mon travail. J’avais trouvé en cet homme, l’élément qui manquait à ma vie. J’avais repris gout à ma vie. Chose que je n’avais plus faite depuis la mort de ma meilleure amie durant notre enlèvement. C’était cela qui m’avait réveillé et qui m’empêchait la plupart du temps de dormir. Je revoyais le visage de ma meilleure amie agonisant sous mes yeux et perdant lentement sa vie. Je dois dire que même le plus dure d’entre nous n’aurait pas supporté une telle chose. Moi, je me suis forgé une carapace dur comme la pierre. De l’extérieur, je parait pleine de vie et toujours souriante mais lorsqu’on creuse un peu, on s’aperçoit que je suis sensible et vulnérable. Mais tout ça, personne ne le connait à part mes meilleurs amis.

Pianotant avec brutalité sur le clavier, j’essayais de trouver l’inspiration pour ce nouvel article. La mode sur les paquebots de luxe. Un sujet qui ne m’aurait pas posé de problèmes. Seulement, tout se bouleverser dans ma petite tête. Est-ce que c’était vraiment ça que je voulais faire de ma vie ? Ne penser qu’au travail, ne pas vivre ma vie à cent pour cent, refouler des sentiments parce que j’avais peur de souffrir à nouveau. Non, je valais mieux que ça. Mes parents, plus particulièrement ma mère, m’avaient inculqué des valeurs qui allait à l’encontre de la façon dont je me comportais actuellement. C’est vrai, ma vie n’avait pas été faite que de bons moments mais ce n’est pas pour autant que je devais la foutre en l’air maintenant. Qu’auraient pensé Spencer et Lizzie de mon comportement ? Elles m’auraient flanqué une gifle en plein visage me disant de me comporter comme une adulte et de réagir. Ce n’est pas parce qu’un homme vous abandonne lâchement que tout doit s’arrêter. La femme forte devait reprendre sa place et montrer que rien ne pouvait la contrarier même pas un petit agent de FBI minable. Enfilant une tenue, la première que je trouvais, je m’apprêtais à sortir de ma cabine. Prendre l’air, faire la connaissance d’autres personnes, rire, m’amuser, voilà ce que je devais faire. Une fois prête, en ayant mit de côté mes tenues de femme d’affaires, je pris la direction du jardin d’été. Au début, je me perdais dans ce grand paquebot mais à force on le connaît par cœur. On en connaît chaque recoin et en quelques minutes, on est à l’endroit voulu. Le jardin d’été était bien mon lieu préférée. J’aimais m’installer dans l’herbe et profiter des rayons du soleil qui vous redonne le peps.

A cette heure-ci, il ne comptait seulement que quelques personnes. Au moins, je ne serais pas gêner par le bruit. Le calme était bien plus agréable. Je pris place dans un coin sur la pelouse verte et douce. Je ne collais personne et personne ne me collait. Je me laissais tomber de tout mon long en plaçant mes lunettes de soleil sur mon nez. Je ne laissais rien venir me déranger même d’anciens souvenirs douloureux. Je laissais mon esprit vagabondé dans des territoires inconnus où je pouvais rêver. Ne rien faire comme ça m’était insupportable. C’est pour cela que j’avais emmené mon livre. Je me retournais pour être sur le ventre et pouvoir continuer ma lecture dans ma position préférée. Je tournais les pages pour enfin arriver à l’endroit où je mettais arrêter la dernière fois. Ce livre, je l’avais déjà relu. Aucune chance pour que je le laisse de côté. Je me devais de le relire une seconde fois pour me sentir bien.